Extrait
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Câline

Margot Reumont

2022 - 15 minutes

France, Belgique - Animation

Production : Lardux Films, Zorobabel et Ozú Productions

synopsis

À la demande de son père, Coline retourne dans sa chambre d’enfant pour faire le tri dans ses affaires. Les différents objets qu’elle y trouve la plongent dans les souvenirs de son enfance. Parmi eux, se détachent ceux qui l’ont marquée jusqu’à aujourd’hui.

Margot Reumont

Après avoir passé son enfance dans le sud de la France, c’est à Bruxelles que Margot Reumont, née en 1988, a commencé sa carrière de réalisatrice avec son premier film : Si j’étais un homme. Ce court métrage réalisé durant ses études à l'école de La Cambre a été sélectionné et primé à plusieurs reprises dans des festivals internationaux.

Depuis, Margot Reumont a travaillé dans différents studios d’animation en France et Belgique et notamment au sein du collectif TABASS co. qu’elle a cofondé avec d’autres cinéastes. Son deuxième court métrage, Câline, aura fait forte impression partout où il passe en 2022.

Il a notamment remporté le Grand prix du meilleur court métrage de la Fédération Wallonie-Bruxelles au Festival Anima, le Prix du public au Festival international de cinéma d’animation de Meknès et le Second prix national du Festival international du court métrage de Lille. Il a aussi reçu un Magritte, en Belgique, la même année, avant de se voir nommé aux César en 2023.

Mon bébé crocodile, sur une durée de 26 minutes, lui a alors succédé, destiné au jeune public.

 

Critique

À l’occasion d’une visite chez son père, une jeune femme retourne dans sa chambre d’enfance et y retrouve, au milieu des objets familiers, des souvenirs qui lui reviennent par vagues. Une tortue mécanique fait naître une scène de bain joyeuse. Une couverture évoque la douceur d’un câlin maternel, juste avant de s’endormir. Une voix venue du jardin ravive un moment de complicité fraternelle dans une cabane juchée en haut d’un arbre. 

Le passé, pourtant, n’est pas qu’insouciance et gaîté. Les souvenirs se succèdent, qui dessinent en creux une autre histoire : le corps qui s’emballe, comme hors de contrôle, au moment de l’adolescence, les regards qui changent, les premiers contacts avec un désir imposé… Les fréquents allers et retours entre passé et présent permettent de rester dans une évocation en pointillés, tout en laissant pressentir que le pire est à venir. Mais au cœur du film, au moment de raconter l’agression dont a été victime le personnage, la réalisatrice Margot Reumont choisit d’être soudainement frontale, et sans équivoque. Cela commence avec une lettre du tribunal qui dévoile l'identité de l’agresseur (les objets, encore et toujours, convoquent la mémoire). Puis une scène – difficilement soutenable – montre les faits. L’espace mental du personnage, figuré par une esthétique en noir et blanc, devient alors un lieu de cauchemar et de désarroi, entre peur, colère et sidération. Le monstre des angoisses enfantines a désormais un visage. 

L’animation, ici, permet de donner corps à ces émotions intérieures, mettant allégoriquement en images un corps démembré, brisé et privé de tête, que seules l’attention et l’écoute bienveillantes de la mère parviennent à reconstituer. On assiste, comme en accéléré, au parcours malheureusement classique que doit traverser la victime, jusqu’à une forme précaire d’apaisement. Le récit boucle ainsi sur lui-même en apportant une forme de conclusion à son propos : confronté au souvenir du passé, le père peut à son tour s’excuser de ne pas avoir été assez présent et à l’écoute de sa fille. La famille peut alors symboliquement être reformée, à la fois à travers le motif de la matriochka à nouveau complète et de l’image symbolique des cartons qu’on range côte à côte. 

Malgré tout, derrière la naïveté apparente de ce dénouement, la construction du film, en alternant des flashbacks joyeux ou traumatiques avec des moments légers ou dramatiques, permet aussi de témoigner de l’ambivalence des sentiments et des émotions, en croquant très simplement un personnage qui navigue entre la nécessité d’avancer dans son existence et l’impossibilité absolue d’oublier ce qui lui est arrivé. 

Marie-Pauline Mollaret 

Réalisation et scénario : Margot Reumont. Image : Margot Reumont et Bruno Tondeur. Montage : Margot Reumont et Pascal Oberlin Son : Frédéric Furnelle. Musique originale : Daniel Bleikolm. Voix : Salomé Richard, Bruno Georis, Raphaëlle Bruneau, Babette Verbeek, Manon Blondiau, Lou Durin, Igor Van Dessel, Robin Blondiau, Nestor Blésin et Bruno Tondeur. Production : Lardux Films, Zorobabel et Ozú Productions

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