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C’était pas du Bourgogne

Mathias de Panafieu

2020 - 7 minutes

France - Animation

Production : XBO Films

synopsis

Entre deux coups de téléphone, mon grand-père nous raconte quelques souvenirs de la guerre, quand il avait vingt ans.

Mathias de Panafieu

Né à Paris en 1986, Mathias de Panafieu intégrait en 2004 l’école des Beaux-Arts de Poitiers, où il rencontrait Sonia Gerbeaud, qui devenait bientôt sa compagne. Le couple signait en 2014 Oripeaux, un court métrage qui devait recevoir une quinzaine de prix en festivals.

Le réalisateur entama ensuite la réalisation de C’était pas du Bourgogne, basé sur les souvenirs de son grand-père, Jacques d'Ivernois. Atteint par un cancer à partir de 2018, il fut prématurément emporté par la maladie le 1er juillet 2019, à l'âge de trente-deux ans, et c'est Sonia Gerbeaud qui, en compagnie de certains de leurs proches, termina à la fin de 2020 ce film qui remporta l'année suivante le Valois René-Laloux du court métrage d'animation au Festival du film francophone d'Angoulême.

En 2023, Sonia Gerbeaud signa un nouveau court métrage qu'elle avait initialement co-écrit avec son compagnon : Radio-pilotis.

Critique

Magnétophone sur la table, le réalisateur Mathias de Panafieu (à qui l’on doit l’allégorique Oripeaux, co-réalisé avec Sonia Gerbeaud) enregistre la voix de son grand-père pour archiver son témoignage, ses souvenirs tenaces de la Seconde Guerre mondiale et son expérience fondatrice dans le Jura. C’est en dessin sur papier, dans un noir et blanc soigneux, que le réalisateur illustre et matérialise les aventures rocambolesques de son aïeul.

Les décors se fondent les uns dans les autres en même temps que le fil du souvenir se déroule. D’abord, le récit est émaillé d’anecdotes de canailles comme cet épisode des bouteilles de vin dérobées chez un particulier. Les cocasseries de ces jeunes soldats côtoient rapidement les horreurs d’une jeunesse empêtrée dans une guerre épouvantable. Ce grand-père – retrouvant la vingtaine grâce à la facétie des dessins – s’adresse aux spectateurs pour transmettre une parole intime comme l’on raconterait une histoire à son enfant. On pense au long métrage Josep du dessinateur Aurel (2020), où l’animation apporte un nouveau point de vue et une autre sensibilité sur une période historique trouble (la guerre civile espagnole) sans pour autant sacrifier la dureté documentaire des faits. Les deux films commencent d’ailleurs par un désir de transmission entre un petit-fils et son grand-père. L’animation prétend, via de possibles envolées imaginatives, à être aussi prégnante que le réel.

Avec ces mots d’un grand-père loquace, venant se mêler aux dessins précis du petit-fils, c’est le cheminement de la mémoration et de la circulation des ombres en devenir dont nous sommes témoins. Le déploiement de cette ligne épurée d’un crayonnage qui ne s’arrête jamais, permet à la fois le périmètre d’une existence, le croquis d’un temps lointain écoulé et le portrait fugace d’un membre de la famille. Cette trace est d’autant plus émouvante lorsqu’on entrevoit succinctement la dédicace posthume destinée aux deux hommes. “À toi Jacques. À toi Mathias. Combattants qui nous manquez.” Nous sommes face à la disparition d’un homme âgé, mais aussi à celle d’un jeune réalisateur. Le dessin se transforme alors en outil décisif au service de toutes les mémoires : celle d’un passé historique et aussi d’une empreinte laissée par un crayon et la main d’un dessinateur.

William Le Personnic

Réalisation et scénario : Mathias de Panafieu. Animation : Mathias de Panafieu, Manon Brûlé, Sarah Brûlé et Tom Chertier. Montage : Sonia Gerbeaud, Julien Farto, Rémy Hurlin, David Martin et Magali Marc. Son : Manuel Vidal. Voix : Jacques D'Ivernois et Mathias de Panafieu. Production : XBO Films.

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