
Bonsoir Monsieur
Antoine Chappey
2022 - 13 minutes
France - Fiction
Production : Ysé Productions
synopsis
9 avril 2020. Premier confinement. Antoine n’arrive pas à joindre son père. Inquiet, il saute dans un taxi.
biographie
Antoine Chappey
Né en 1960 à Paris, Antoine Chappey était à la fois bouquiniste et bassiste dans un groupe de rock lorsqu’il débuta au cinéma dans Mona et moi (1990), premier long métrage de Patrick Grandperret. Par la suite, on l’a vu dans des films de réalisateurs aux univers aussi différents que Xavier Durringer (La nage indienne, 1993), Laurent Tuel (Le rocher d’Acapulco, 1996), Lucas Belvaux (Pour rire !, 1997), Stéphane Brizé (Le bleu des villes, 1999), Jean-Charles Fitoussi (Les jours où je n’existe pas, 2003), François Ozon (5 x 2, 2004), Olivier Nakache et Éric Toledano (Le sens de la fête, 2017) ou Stéphane Batut (Vif-argent, 2019).
Il a également été dirigé par le grand cinéaste portugais Manoel de Oliveira dans La lettre (1999) et Je rentre à la maison (2001).
On aura pu le retrouver par ailleurs dans de nombreux courts et moyens métrages, signés Marie Vermillard (Quelqu’un, Eau douce et Petites révélations), Vincent Ravalec (Never Twice et Le dur métier de policier) ou encore Marilyne Canto, qui n'est autre que son épouse (Fais de beaux rêves).
En 2020, il réalise son premier court métrage, Elle est où la dame ?, présenté au Festival de Pantin dans la sélection Panorama. Il y reçoit le Prix des adhérents de l'association Côté court.
Bonjour Monsieur lui succède l'année suivante, à son tour projeté à Pantin. Antoine Chappey y revient en 2025 avec Père(s) et fils, réalisé par Ferdinand Régent-Chappey, qu'il a adopté et élevé.
Critique
Bonsoir Monsieur est la deuxième partie d’un diptyque entamé avec Elle est où la dame ?, qu’Antoine Chappey, comédien alors passé à la réalisation, avait réalisé en 2020, cette fois sur la mort de sa mère. Avec déjà cet état d’hébétude ressenti à la mort d’un parent, qui se traduisait par des absences, des échappées belles introspectives.
Bonsoir Monsieur débute par une date précise, le 9 avril 2020, ce qui nous projette dès le départ dans un récit reconstitué donné comme véritable. Un récit situé au cœur du premier confinement, quand l’épidémie de Covid-19 s’étendait et qu’il était impossible de sortir dans la rue sans attestation.
“Je suis allé voir votre papa, il est sur son lit, je crois qu’il est décédé”. La phrase du veilleur de nuit, voix fantomatique trop douce, que l’on ne verra jamais incarnée, est sans appel, et pourtant elle conduit l’acteur, qui joue son propre rôle dans son film, à venir “sur place” pour constater le décès. C’est un moment irréel. Une voix sortie de nulle part, qui vous annonce la mort de votre père. Une annonce qu’il faudra répéter, aux autres, aux inconnus, aux chauffeurs de taxi qui vous demandent toujours comment vous allez, comme s’il faudrait qu’on aille toujours bien.
Et le film va précisément travailler pendant ses douze minutes la forme de l’absence et du vide, via les décors quasi dénudés et cette housse noire, terrible, dans laquelle se trouve le corps, sorte de monolithe flasque justifié par la procédure Covid. Cette forme d’abstraction est contrebalancée par le sens du détail concret : cet appareil auditif qui manque et qu’on finit par retrouver, cette fenêtre qu’il faut fermer en raison de ces “charognards” de corbeaux.
Mais surtout, au cœur de cette miniature nous contant la tragédie du disparu, Antoine Chappey nous montre que la vie est là, “avec ses poumons de flanelle” comme aurait dit Léo Ferré. La vie est là partout, dans une télé qui hurle chez les voisins du père, dans ce stand-up écouté par le premier chauffeur de taxi, dans cette musique d’Orchestra Baobab qu’écoute le deuxième. Le père est mort, mais la vie continue, même dans ce Paris désert et covidé, sillonné la nuit par les chauffeurs de taxis. Antoine Chappey structure son film en deux décors principaux (chez lui, chez le père) et l’aller-retour en taxi, avec ces deux mêmes plans, latéral et frontal. Le film est rythmé par des fondus au noir, marquant les instants suspendus et gravés dans la mémoire, que l’on vit dans ces moments graves.
Autour de lui, il réunit son frère dans son propre rôle, mais aussi ses fils dans des rôles fictionnés (le pompier, le médecin), histoire de créer au sein du film une continuité familiale, un éloge de la filiation. Et au centre, bien sûr, Antoine Chappey lui-même, un acteur qui transpose dans sa mise en scène cet équilibre “keatonien” entre gravité et légèreté, cette élégance constitutive de son style, travaillé de film en film.
Bernard Payen
Réalisation et scénario : Antoine Chappey. Image : Pascal Caubère. Montage : Pascal Caubère. Son : Jérôme Ayasse, Titouan Dumesnil et Florent Lavallée. Interprétation : Antoine Chappey, Jean-Marie Chappey, Marouane Sista, Louis Chappey, Ferdinand Régent-Chappey, Seydou Diallo et Marilyne Canto. Production : Ysé Productions.