Extrait

Be Quiet

Sameh Zoabi

2005 - 19 minutes

France - Fiction

Production : Méroé Films

synopsis

Alors qu’ils sont en route vers chez eux, à Nazareth, un petit garçon palestinien et son père sont confrontés à la tension politique et à la réalité militaire environnantes. Une atmosphère qui rejaillit sur la relation entre le père et le fils.

Sameh Zoabi

Sameh Zoabi est né en 1975 à Iksal, en Israël. Réalisateur et scénariste, il connaît un ample succès dès son premier film, le court métrage Be Quiet, en 2005. Présenté dans des festivals du monde entier, le film récolte de nombreux prix, dont en France le Grand prix au Festival européen du film court de Brest et le Prix du jury jeune à Côté court, à Pantin.

Le réalisateur signe en 2010 un premier long métrage, dont il est aussi l'un des coproducteurs, Téléphone arabe, qui remporte l'Antigone d'or à Cinemed, à Montpellier. Si Under the Same Sun, en 2013, demeure inédit en salles en France, Tel Aviv on Fire attire de nouveau l'attention sur Sameh Zoabi en 2018, à travers notamment sa présentation à la Mostra de Venise.

Sameh Zoabi a entretemps cosigné avec Hany Abu-Assad le scénario de son film Le chanteur de Gaza, sorti en France au début de l'année 2017.

Critique

Le titre en anglais du court métrage de Sameh Zoabi peut signifier à la fois l’injonction de se calmer et celle de se taire. On suppose qu’elle est formulée par le personnage de Mahmmood à son fils en rébellion, Ibrahim, mais le fait de n’avoir choisi ni l’arabe ni l’hébreu laisse planer le doute. Elle peut tout aussi bien être l’ordre d’un soldat israélien adressé au père. Ibrahim exprime d’ailleurs à sa manière la double façon de comprendre ce titre lorsqu’il lance avec colère à son père : "Tu laisses le soldat te donner des ordres, et après, tu me donnes des ordres !".

Là où se déroule le film, sur la route entre Jénine, située en Cisjordanie, et Nazareth, en Israël, cette injonction est peut-être banale, mais n’a rien d’anodin. De même que d’autres choses qui pourraient être sans importance ailleurs – telles que l’envie soudaine d’un enfant de faire pipi dehors ou de tenir tête à son père – sont susceptibles ici de devenir rapidement dramatiques. La tension dans laquelle vivent quotidiennement les Arabes israéliens – identité qui est celle du réalisateur – est mise en scène avec finesse et constance, à tel point que le soulagement éprouvé chaque fois qu’une situation se dénoue, ne semble finalement que le répit nécessaire pour nous saisir à nouveau. La tension est d’autant plus forte que se dessine en creux la situation tragique des Palestiniens vivant dans les territoires occupés, avec le fantôme de l’oncle assassiné et la violence des snipers tirant sur les civils.

Comme les personnages, nous sommes sur le fil des émotions. Le père oscille entre peur et reproche contre son fils, tandis qu’il essaie également de le protéger de la réalité et d’établir une complicité. Peine perdue : même quand Mahmmood passe de la musique dans la voiture à la demande de son fils, celui-ci le rabroue, refusant de partager quoique ce soit avec celui qu’il a vu humilié et qui lui a menti. L’humour avec lequel Sameh Zoabi mettra en scène la domination et l’occupation israéliennes dans les longs métrages qui devaient suivre, Téléphone arabe (2010) puis Tel Aviv on Fire (2018), est ici absent. Si nous naviguons entre les points de vue des deux personnages, le récit est mené sans concession, en écho à l’intransigeance d’Ibrahim vis-à-vis de Mahmmood. La dédicace au père du réalisateur qui clôt le film, suggère d’ailleurs que le personnage de ce jeune garçon est proche de l’enfant qu’était Sameh Zoabi. Et que ce court métrage, inspiré d’expériences personnelles, raconte sans doute aussi la blessure intime d’avoir vu cette relation abimée par l’oppression quotidienne et humiliante, ainsi que le sentiment d’impuissance qu’elle génère. Réalisé il y a vingt ans, Be Quiet résonne aujourd’hui terriblement.

Anne-Sophie Lepicard

Réalisation et scénario : Sameh Zoabi. Image : Pierre Befve. Montage : Gladys Joujou. Son : Philippe Lecœur. Interprétation : Mahmud Abu-Jazi et Alaa Aghbariya. Production : Méroé Films.

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