Extrait
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Bavardages en sida mineur

Virginie Thévenet

1994 - 4 minutes

France - Fiction

Production : CRIPS Île-de-France, Les Productions du 3ème Étage

synopsis

Une jeune fille écrit un article sur le sida, elle en discute avec un ami, puis une fille de sa connaissance, et un doute s’insinue peu à peu en elle...

Virginie Thévenet

Née en 1954, Virginie Thévenet a d'abord été comédienne, débutant à dix-sept ans dans Les stances à Sophie de Moshé Mizrahi. Dans les années 1970, elle tourne avec Jean Eustache, Pascal Thomas, François Truffaut ou encore Pierre Zucca.

Ayant été dirigée par Éric Rohmer dans Le beau mariage et Les nuits de la pleine lune, elle passe à la réalisation en 1984 avec La nuit porte-jarretelles, qui évolue dans le Paris branché de l'époque et qui se voit nommé au César du meilleur premier film l'année suivante.

Un deuxième long métrage, Jeux d'artifices creuse un sillon proche en 1987. La même année, Virginie Thévenet tient un rôle important dans Le cri du hibou de Claude Chabrol.

En 1992, elle révèle Aure Atika dans la comédie Sam suffit, puis signe l'un des films courts de la collection “3000 scénarios contre un virus”, en 1994 : Bavardages en sida mineur.

Elle tourne encore un documentaire pour les cent ans du fameux bibendum de la marque Michelin en 1998, avant de s'éloigner du cinéma pour se tourner vers la peinture, qu'elle pratique depuis le plus jeune âge.

Critique

1994. L’année de concrétisation du concours “3000 scénarios contre un virus”. Une année crépusculaire, celle de la fin de règne d’un Mitterrand malade et à bout de forces, qui allait bientôt passer la main. Celle où le sida tue encore et toujours ; le temps a fait son œuvre et on l’aurait presque oublié, mais alors que sortait le Philadelphia de Jonathan Demme, avec Tom Hanks dans un rôle à Oscar, sensibilisant le grand public aux ravages de la maladie, le cinéma avait été durement éprouvé. Cyril Collard avait succombé en 1993, Gérard Fort-Coutaz et Serge Daney l’année précédente, Jacques Davila en 1991, et puis Jacques Demy, en 1990, même si le tabou sur les raisons de sa mort n’a été levé que bien plus tard. Moins connu, Michel Béna s’était aussi éteint en 1991 avant la sortie de son beau premier – et unique – long métrage : Le ciel de Paris.

Pourquoi cette macabre énumération ? Pour simplement mesurer l’urgence dans laquelle cette campagne de prévention intervenait, et remettre en perspective la dévastation que le virus avait semé dans les rangs du jeune cinéma français de la fin des années 1980. Virginie Thévenet en était l’une des cheffes de file, qui avait marqué les esprits avec La nuit porte-jarretelles en 1984 et Jeux d’artifices en 1987, deux films légers, sexy et très “branchés”, comme on disait alors. Parisiens en diable, aussi, où l’on pouvait croiser Eva Ionesco, Arielle Dombasle, Caroline Loeb, Frédéric Mitterrand, Christian Louboutin, Étienne Daho ou encore Marco Prince. Rien d’étonnant, donc, à ce que cette représentante en vue d’une nouvelle génération de cinéastes – qui commençait seulement à compter davantage de femmes – soit de l’aventure des “3000 scénarios…” à travers ces Bavardages en sida mineur jouant ingénument avec les mots dès le titre, au-delà la gravité de la situation.

Thévenet, actrice à l’origine, avait joué dans deux films de Rohmer, dans des courts métrages de Rosette – une actrice-fétiche du maître – et dans Il ne faut jurer de rien (1984), film court justement très rohmérien de Christian Vincent (avec Fabrice Luchini…). D’où un certain tropisme pour le marivaudage qui pouvait la guider et qui trône au cœur même de ces quatre minutes et des poussières, où le motif entre en collision, et de plein fouet, avec les périls de la contamination du VIH.

La jeune Sandra écrit un article sur le sujet, sans doute pour un journal étudiant, en parle successivement avec un ami, qui la dragouille au passage, puis avec une fille de sa connaissance qui, assez vite dans la conversation, se trahit littéralement : elle a couché avec le mec de la journaliste en herbe et ce dernier, qui a de toute évidence une notion variable de la fidélité, a aussi batifolé avec une blonde dont on vient d’apprendre la séropositivité. Stupeur ! Et cut. Générique de fin… La ronde infernale s’est mise en marche – on pense au film d’Ophuls, dont Nicolas Boukhrief devait tirer un remake une poignée d’années plus tard – Le plaisir (et ses petits tracas), sorti en 1998. Vivre sa jeunesse et multiplier les expériences amoureuses, c’était en ces années se mettre potentiellement en danger de mort si on ne sortait pas “couvert”, selon un terme alors souvent convoqué.

Le contraste est saisissant entre le hors champ de la maladie menaçante et la fraîcheur du teint, du regard vert et de la queue de cheval haute de Chiara Mastroianni, mais aussi de la présence matoise d’un Melvil Poupaud tout aussi juvénile. La petite histoire a établi que ces deux-là avaient eu, très jeunes, une relation, tandis qu’ils se connaissaient depuis toujours. Ils venaient en outre de partager l’affiche du premier long métrage d’un autre “jeunot”, Antoine Desrosières : À la belle étoile. Une chronique d’éducation sentimentale distribuée au printemps 1994, tiens donc, et où l’on pouvait également retrouver Mathieu Demy – soit également la “famille”…

C’est ainsi toute une ambiance “rive gauche” que reflètent ces Bavardages… saisis comme il se doit dans un café et où l’on sourit, avec flegme et élégance, de ces chassés-croisés amoureux dont les répercussions pourraient néanmoins être vite critiques. On évoque aussi au passage l’opposition forcenée de Jean-Paul II au port du préservatif, ce qu’il convient de rappeler aujourd’hui avec force, le souverain pontife demeurant une icône pour une large frange droitière du catholicisme français, actuellement représentée au gouvernement, et en bonne place.

Christophe Chauville

Réalisation : Virginie Thévenet. Scénario : Cécile Abelard. Image : Patrick Blossier. Montage : Antonine Catzéflis. Son : Laurent Poirier. Musique originale : Philippe Cohen-Solal. Interprétation : Chiara Mastroianni, Melvil Poupaud et Babette Rozes. Production : CRIPS Île-de-France et Les Productions du 3ème 2tage.

À retrouver dans

Bonus

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