Extrait
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Avant... mais après

Tonie Marshall

1994 - 5 minutes

France - Fiction

Production : CRIPS Île de France, Les Productions du 3ème étage.

synopsis

Deux lycéens parlent de l’usage du préservatif. Louis demande conseil à son ami Vincent, extraverti et qui parle des choses sans fard. Le lendemain, Louis rend ses préservatifs non utilisés à Vincent, qui lui donne son point de vue avec la plus grande franchise.

Tonie Marshall

Tonie Marshall, fille de l’actrice Micheline Presle et du réalisateur et producteur américain William Marshall, est née en 1951 à Neuilly-sur-Seine. Elle a débuté au cinéma dans les années 1970 comme actrice pour de nombreux seconds rôles, notamment dans L’événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune de Jacques Demy ou encore Les sous-doués de Claude Zidi.

On put aussi la retrouver à la télévision et au théâtre, dirigée entre autres pour Jean-Michel Ribes. C’est en 1989 qu’elle écrivit et réalisa son premier long métrage, Pentimento, pour lequel Antoine de Caunes faisait ses débuts au cinéma. Elle fonda par la suite sa propre société de production : TaboTabo Films.

S’en suivirent une douzaine de films, dont Vénus beauté (institut) en 1998, grâce auquel elle devient la première femme à recevoir le César de la meilleure réalisatrice. Le film remportait aussi le César du meilleur scénario et celui du meilleur espoir féminin, décerné à Audrey Tautou.

On se souvient également du polar Pas très catholique en 1993, d’Enfants de salaud, avec Jean Yanne en 1996, de Passe-passe avec Nathalie Baye en 2008 – une des actrices fétiches de la réalisatrice – ou encore de la comédie Tu veux ou tu veux pas, avec au générique le couple Marceau-Bruel.

En 1994, son court métrage Avant… mais après pour la collection “3000 scénarios contre un virus”, s'inscrivait dans le cadre d’une opération de prévention contre le sida. Il fut diffusé à la télévision parmi ceux de Cédric Klapisch ou de Benoît Jacquot et reçut au Festival de Clermont-Ferrand une mention spéciale du jury.

En 2017 sortait son dernier long métrage, Numéro une, pour lequel elle retrouvait Emmanuelle Devos, après le téléfilm Tontaine et Tonton (2000) et Au plus près du paradis (2002) qui, interprété par Catherine Deneuve et John Hurt, rendait hommage au grand classique de Leo Mc Carey Elle et lui.

Tonie Marshall s'est éteinte le 12 mars 2020, à Paris, des suites d'un cancer du poumon. Elle était âgée de soixante-huit ans.

Critique

Au centre du cadre, que souligne un léger travelling avant, Vincent (Mathieu Kassovitz) fanfaronne, attire l’attention du groupe qui l’entoure, provoque, voire blesse une de ses camarades que la plaisanterie sexuelle fait fuir. Le groupe se disperse dans la cour du lycée. C’est la récréation. Notre hâbleur se retrouve seul. Louis (Quentin Ogier) profite de cette situation pour s’approcher. Contrairement à Vincent, Louis est discret et parle bas. Il va sortir avec une fille et a besoin d’une capote. Bien sûr son camarade le coupe et continue à faire son numéro en mimant exagérément le galbe de la fille du rendez-vous, en criant à la cour entière l’objet de la demande de son ami avec verdeur et impudence. Ce petit jeu va se poursuivre jusqu’à l’achat des préservatifs que Vincent exhibera dans les couloirs du lycée avant d’en expliquer la pose en utilisant ses doigts qu’il transformera en révolver. Outre l’effet comique (et pédagogique !) d’une situation mettant en scène un couple d’opposés, le timide et le dégourdi, outre la démonstration de ce que singulièrement le sexe provoque dans les comportements humains, l’exhibition et l’inhibition, le film touche à l’un des enjeux qui aura habité la lutte contre le sida : faire de la capote, un objet éthique.

Rappelons le contexte : avant 1996 et l’arrivée des trithérapies, le diagnostic de séropositivé est vécu comme une sentence de mort et l’aube des années 1990 est la plus meurtrière de l’épidémie. Le film nous le rappelle quand Vincent dévoile sa séropositivité à Louis qui s’étonne qu’il ne lui en ait pas parlé : “T’aimes parler de la mort toi ?” Cette confession explique sans doute le cabotinage et la bravade du jeune homme qui se masque dans l’espace théâtral d’une cour de lycée. Pourtant, elle révèle aussi la discrimination et le silence contre lesquels ont lutté les collectifs confrontés à cette idée retorse et répandue que le sida, c’est les autres.

Avant cet aveu tragique, le film montre la métamorphose de Louis : c’est le “avant”/“après” du titre. Il a l’air sûr de lui au lendemain du rendez-vous : “T’as l’air con, mais heureux”, lui souffle son ami. Lorsqu’il rend les préservatifs qu’il n’a pas utilisés et prône innocemment une “confiance absolue”, Vincent sort de ses gonds et du secret (le “mais” du titre).

Cette croyance d’un amour qui protège ou l’attribution de la confiance au feeling résiste aux campagnes de prévention : “Tu niques, tu mets une capote”, revendique Vincent. Bien sûr, on a accusé ce type de slogan d’incarner une sorte de police morale du sexe et reproché à la prévention d’être trop rationnelle et normative. Pourtant, ce que les collectifs ont combattu avec courage et ténacité, c’est l’ignorance et le déni qui font, encore aujourd’hui, comme si le sida n’existait pas, comme s’il n’ouvrait pas une mutation inouïe dans nos manières de penser, d’agir, de faire sexe et d’aimer.

Yann Goupil

Réalisation : Tonie Marshall. Scénario : Marc Milani. Image : Dominique Chapuis. Montage : Jacques Comets. Son : Daniel Ollivier. Interprétation : Mathieu Kassovitz, Quentin Ogier et Ludivine Tribes. Production : CRIPS Île de France et Les Productions du 3ème étage.

Bonus

Avant et maintenant - 3000 scénarios contre un virus | Crips IDF