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Autotune

Tania Gotesman

2020 - 24 minutes

France - Fiction

Production : Chi-Fou-Mi Productions

synopsis

Issa, un jeune homme de 22 ans, rend service à son meilleur ami Élie et, en dépit de sa droiture, accepte de livrer un pochon de cannabis. Issa tombe immédiatement sous le charme d’Alma, la cliente. Pris de court et pour continuer à côtoyer cette jeune femme envoûtante, il se fait passer pour le dealer qu’il n’est pas...

Tania Gotesman

Tania Gotesman est une scénariste et réalisatrice française.

Une fois diplômée de Sciences Po Paris, elle a gagné New York où elle a tourné un court métrage documentaire sur de jeunes rappeurs de Bedstuy (Brooklyn) intitulé Kings County (coréalisé avec Clémence Crépin-Neel en 2019). Elle s'est ensuite tournée vers la production, à StudioCanal puis chez Chi-Fou-Mi Productions.

En 2020, elle réalise son premier court métrage de fiction, Autotune, qui est diffusé sur Canal+ et sélectionné dans plusieurs festivals importants en 2021, tels le Brussels Film Festival 2021, Off Courts à Trouville ou encore le Festival Tous Courts d'Aix-en-Provence.

Tania Gotesman développe actuellement Young Millionnaires, une série de 6 fois 26 minutes en tant que directrice littéraire et travaille à l’écriture de son premier long métrage : Shoshannah.

Son frère Igor Gotesman est également réalisateur (du long métrage Five en 2015, notamment) et ils ont signé ensemble en 2020 Dans ma tête, une œuvre courte mettant en scène la chanteuse Tessa B.

Critique

En équipe avec Clémence Crépin Neel, Tania Gotesman réalise en 2019 un court documentaire, Kings County, dédié à l’univers de jeunes rappeurs de quartiers newyorkais et à leur quotidien, rythmé par une musique urbaine qui façonne leur histoire autant qu’elle électrise leurs envies d’ailleurs. Un an plus tard, la cinéaste réinvestit cette musicalité au service d’une fiction dont le titre évocateur, Autotune, s’attache aux premiers émois de deux jeunes gens, qui à l’aube d’une romance novice se cherchent, s’inventent, peinent à se dire, mais finissent par se rencontrer.  

Au charme nocturne des fenêtres allumées, la caméra se faufile avec poésie dans les méandres du quartier et, du haut des tours, les observe. Issa (Gradi Beinz), charmant boxeur et grand gaillard d’allure confiante, dissimule sous ses muscles sa grande timidité, tandis qu’Alma (Louise Grinberg), plus vive et spontanée, ignore que son prétendu dealer n’est autre qu’un apprenti artiste vierge de tout délit. Imposture et droiture se mêlent lorsque que ce qui ne devait être qu’un infime service rendu les embarque dans un jeu de rôle cocasse à la découverte de l’autre. 

De leur tendresse malhabile naît contre toute attente une forme d’harmonie, où vibrent à l’unisson gêne et exaltation, à l’heure où l’on bégaie et l’on mélange les mots, où l’on marche gauchement sur le fil de l’urgence en s’enlisant dans des esquisses de plaisanteries bancales. Au plus près de ces conversations anodines, Tania Gostesman capte un peu de vérité, un peu de ce langage argotique qui se vante ou se déconstruit, un peu du décalade entre assurance feinte de l’un et témérité crainte de l’autre, là où la jeune Alma rappelle étrangement l’angélique et fougueuse Lydia de L’esquive

C’est d’ailleurs tout l’enjeu de ce court à la tonalité métaphorique, dans un contexte où l’honnêteté semble prendre tristement valeur de faiblesse ou de fragilité, en ce qu’il incarne ce masque aguicheur, ce filtre moderne inutilement ostentatoire arboré par son jeune héros, dont il ne cesse de s’embarrasser que lorsqu’il laisse libre cours à ses compositions. 

Car à l’inverse de son être, le jeune homme ne maquille pas son art. Adieu les codes de la street cred et le cliché du bad guy. Et c’est en se livrant sans artifices, pris dans un instant de nudité vocale, galvanisé d’une énergie brute et personnelle, qu’existe la version sans autotune du personnage et presque la mélodie d’une âme. Un authentique moment où de la vulnérabilité naît une force, dans cette ruelle déserte où même les murs se taisent, alors que s’estompe la rumeur selon laquelle il faut se travestir pour mieux plaire. Alors pourquoi se déguise-t-on ? Pourquoi se faire passer pour ce que l’on n’est pas ?  

S’il faut parfois si peu pour envoûter, parfois un rien pour captiver, s’inscrit entre ces lignes de texte l’absence de règles en séduction. Subtile, mystérieuse séduction. Et saisie sur un fond d’injustice, une injustice qui les rassemble, l’intimité se crée finalement. Quel plus bel endroit d’ailleurs qu’une voiture de police pour s’effleurer la main dans un sourire reconnaissant.  

Marie Labalette

Réalisation et scénario : Tania Gotesman. Image : Yoann Suberviolle. Montage : Alexis Courtois. Son : Paul Guilloteau, Timothée Bost et Samuel Aïchoun. Interprétation : Gradi Beinz, Louise Grinberg, Théo Askolovitch et Mehdi Rahim Silvioli. Production : Chi-Fou-Mi Productions.

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