Extrait
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Au premier dimanche d’août

Florence Miailhe

2000 - 12 minutes

France - Animation

Production : Les Films de l’Arlequin

synopsis

Sud de la France, un dimanche d’août. Petit à petit, la place du village s’anime, les musiciens s’accordent, les enfants crient, la fête commence...

Florence Miailhe

Fille de l'artiste-peintre Mireille Miailhe, Florence Miailhe est née à Paris en 1956.

Elle sort diplômée des Arts décoratifs en 1980 et commence comme maquettiste pour la presse, tout en pratiquant la peinture et la gravure. Elle enseigne ensuite l’animation aux Gobelins et aux Arts déco, avant de réaliser son premier court métrage d’animation, Hammam  en 1991, à partir de peinture, de pastel et de sable.

Elle poursuit en 1995 avec Schéhérazade, écrit par Marie Desplechin, et en 2000 Au premier dimanche d’août, qui est couronné du César du meilleur court métrage et du Prix du meilleur film d’animation au Festival de Clermont-Ferrand.

Sélectionné en compétition officielle à Cannes en 2006, le court métrage Conte de quartier y reçoit une mention du jury. D’autres films courts suivent dont Méandres en 2013 (en coréalisation avec Élodie Bouédec et Mathilde Philippon-Aginski).

En 2010, Florence Miailhe remporte avec Marie Desplechin le Prix du meilleur scénario de long métrage aux lectures de scénarios du Festival Premiers plans d’Angers, pour un projet dont la fabrication est finalement lancée en 2017. Présenté au Festival du film d'animation d'Annecy en 2020, La traversée, premier long métrage de la réalisatrice, accède à une sortie en salles le 29 septembre 2021.

Entretemps, en 2016, 25, passage des oiseaux a été réalisé par Florence Miailhe dans le cadre d'une résidence de recherche et de développement organisée par le CNC sur son site de Bois-d'Arcy, invitant des cinéastes d'animation à utiliser “L'Épinette”, le célèbre écran d'épingles sur lequel Alexandre Alexeïeff et Claire Parker œuvrèrent jadis. 

La réalisatrice revient ensuite au format court avec, en 2024, Papillon, inspiré de la personnalité et de la vie du champion de natation Alfred Nakache, déporté en camp de concentration. Le film est distingué du Prix André-Martin du court métrage au Festival d'Annecy.

Critique

Des beaux films peints de Florence Miailhe, on avait retenu la lumière éclatante d’un univers où la couleur est à l’origine du monde. On se rappelait l’atmosphère langoureuse de Hammam (tiède volupté du bain turc, intimité des femmes entre elles) et les splendeurs orientales de Schéhérazade – palais, jardins, gynécée, femmes sensuelles et rouées qui triomphent de la sottise des hommes. On connaissait ce goût pour tracer l’ondulation des courbes féminines, la grâce des formes traversées par la musique, leur fusion dans la soudaine proximité d’un massage, d’une danse ou d’une étreinte. Dans Au premier dimanche d’août, la veine orientale a disparu, mais les filles pulpeuses qui dominent la fête sont les dignes héritières des belles de harem, et l’érotisme naïf des films précédents se teinte de réalisme. De Maupassant à Renoir en passant par Luciano Emmer, les dimanches d’été sont des moments parfaits pour décrire une communauté. La nuit tombe au village, et bientôt le bal commence. La fonction sociale en est respectée, et tous les habitants y ont leur place, jeunes, vieux, enfants. Trois couleurs dominantes, bleu nuit, rouge fête, jaune lumière, construisent le bal comme un îlot de clarté et de gaieté. La bande sonore conjugue d’abord les sons, mots, noces, bruits épars, puis se laisse envahir par la musique reine, excellente partition de Denis Colin qui, de la musette au rock en passant par le tango argentin, égrène tous les motifs musicaux du bal.

Il y a là, dans cette palpitation vibrante d’une foule qui s’amuse, une belle occasion de rendre au cinéma d’animation – qui cherche si souvent sa voie entre stylisation et réalisme – sa vocation exacte : peindre l’animation même, la présence, le mouvement, la rumeur. Loin des effets sophistiqués, il faut, pour les créer, le talent du trait qui tour à tour impose et estompe les formes, du pinceau qui maîtrise le jeu instable des flaques de couleurs, et excelle à rendre le bariolage d’une foule sous les lampions. Il faut enfin ce sens de la nuance qui détaille les gestes d’une délicieuse précision – le tournoiement des chiens valseurs, les mains baladeuses qui soulèvent les jupes, la gerbe multicolore des confettis.

La belle idée du film consiste à peindre surtout des groupes, du couple à la bande de jeunes hommes, ce qui rend plus cruel le sort des solitaires, bébé perdu ou simplet de village. Une foule, c'est une somme de petites aventures individuelles. Notre regard est à la fête, sollicité de tous côtés, démultiplié par l’échelle des plans, nous donnant à voir tant l’émotion sur les visages que les jambes agitées par la fièvre du rythme. Parfois c’est l’idée même de la danse qui triomphe jusqu’à l’abstraction, comme cette toupie de couleurs que forme un plan aérien sur deux filles aux jupes rondes, ou les noires et filiformes silhouettes de la fin, échappées à leur décor, muées en divinités aux membres multiples. Du bal comme spectacle, on glisse alors vers la musicalité visuelle du film d’animation, dans ce qu’il a de purement et d’éternellement expérimental.

Jacqueline Nacache

Article paru dans Bref n°46, 2000. 

Réalisation, scénario décors et image : Florence Miailhe. Montage : Natalie Perrey. Son : Fabrice Gérardi, Emmanuel Croset et Étienne Bultinguaire. Musique originale : Denis Colin. Production : Les Films de l’Arlequin.