
Arbres
Jean-Benoît Ugeux
2022 - 21 minutes
Belgique - Documentaire
Production : Dérives, Apoptose
synopsis
Un beau jour, l’arbre est considéré comme mature. En tout cas, il est exploitable pour l’industrie. Alors on le marque et puis on le coupe. À la tronçonneuse ou l’abatteuse, c’est selon. Et puis il devient de la biomasse, des palettes, des panneaux, des pellets, des cagettes, de la pâte papier pour imprimer des promotions. Mais quel profit l’homme retire-t-il des peines qu’il se donne sous le soleil ?
biographie
Jean-Benoît Ugeux
Né en 1975 à Uccle, en Belgique, Jean-Benoît Ugeux a obtenu un master en lettres romanes et philosophie à l’université de Louvain-la-Neuve en 1996, avant d'entrer au Conservatoire royal de Liège la même année. Très rapidement, il collabore sur différentes créations théâtrales, avec des auteurs tels que Wayn Traub ou Anne-Cécile Vandalem.
Au cinéma, il débute sa carrière vers 2003, notamment avec Folie privée, un moyen métrage de Joachim Lafosse, et tourne dès lors avec de nombreux réalisateurs, à la fois sur des formats courts et longs : Emmanuel Marre (Le film de l'été, 2017), Marie Amachoukeli et Claire Burger (Demolition Party, 2013), Michaël R. Roskam (Le fidèle 2017, pour lequel il sera récompensé du Magritte du meilleur second rôle l'année suivante), Gustave Kervern et Benoît Délépine (I Feel Good, 2018), Jules Follet (Mal caduc, 2019 ; Comment faire pour deux, 2020), Olivier Babinet (Poissonsexe, 2020), etc.
C'est en 2011 qu'il fait ses premiers pas de réalisateur, à travers une œuvre expérimentale, composée de trois vidéos réalisées sur plusieurs années avec une caméra numérique : Valeurs. Suivent alors deux fictions : Eastpak, en 2017, et La musique, en 2019. Ce dernier, qu'il interprète également, reçoit notamment le Bayard d'or du meilleur court métrage au Festival international du film francophone de Namur en 2019.
Il enchaîne avec Abada, sélectionné dans de nombreux festivals (Clermont-Ferrand, Pantin, Nice…) dans les conditions sanitaires particulières de l'année 2021. Ce contexte lui aura d'ailleurs inspiré un documentaire, le court métrage Belgium-2.0, filmé durant le confinement du printemps 2020.
Ce film est suivi d'une nouvelle fiction, Fratres (2021), tourné en Auvergne et qui lui permet de retrouver l'un de ses comédiens d'Abada : Pierre Sartenaer. Prolifique, il signe ensuite un documentaire expérimental, Arbres. Celui-ci est primé aux Magritte du cinéma et au FIFF à Namur, en 2022-23.
Hiver est son dernier court métrage en date, sélectionné en 2024 en compétition nationale à Clermont-Ferrand et au Brussels Short Film Festival.
Critique
Des sons de hache viennent troubler la quiétude d’une forêt. La sérénité est rompue par les hommes venus mesurer, chiffrer et briser l’écorce des arbres dans le but de les exploiter (abattage, transformation, vente, transports). À quoi ressemble la vie d’un arbre ? Est-elle d’une rigoureuse immuabilité ? Sont-ils condamnés à l’ancrage ? Une fois coupé et arraché à sa terre, une nouvelle épopée semble pourtant commencer.
Presque exclusivement sans dialogue, nimbé d’une voix-off doucereuse et philosophique, avec des phrases tirées de l’Ecclésiaste – “Vanité des vanités, tout est vanité !” –, Jean-Benoît Ugeux souligne la matière protéiforme du bois, toutes ses transformations possibles, dans le but d’en faire un bien mercantile. La question du flux était d’ailleurs le sujet de son court métrage Belgium-2.0 (2021), narrant les répercussions du confinement sur les villes soudainement vides et dévitalisées. Le réalisateur filmait un monde fait de signaux et de logistique jusqu’à l’absurdité. Le film se terminait d’ailleurs, non sans ironie, sur la construction de cercueil en bois. Dans Arbres, il y a d’abord cet attachement au bucolique, avant sa dérive mortifère. Le monde sans âge des bois vient s’entrechoquer avec la modernité des machines. Le film insiste sur le parasitage des sons, musicalité stridente de la machinerie (les dents des tronçonneuses ou des broyeuses) venant obéir à une logique de capitalisme et de rendement.
D’apparence immobile et dépouillée, la mise en scène, composée de plans fixes, favorise à la fois la contemplation et la dimension dérisoire de l’entreprise. La caméra semble, tel un arbre, plantée dans le sol, mais tout en étant le seul élément indéracinable.
On imagine une parenté avec le long métrage d’Andrea Arnold Cow (2021), qui dépeignait méticuleusement la vie d’une vache, de sa naissance à son cheminement vers l’abattoir. Jean-Benoît Ugeux a la même volonté de capter des gestes purement documentaires mais aussi, in fine, de mieux sensibiliser sur le vivant.
William Le Personnic
Réalisation, scénario et image : Jean-Benoît Ugueux. Son : Jean-Benoît Ugueux et Vincent “Pancho” Villa. Montage : Cédric Zoenen. Musique originale : Rutger Zuydervelt. Production : Dérives et Apoptose.