Apocalypse
Benoit Méry
2024 - 15 minutes
France
Production : GREC
synopsis
Au cœur du Hellfest, la musique prend petit à petit possession des metalheads.
biographie
Benoit Méry
Diplômé en cinéma à Paris 8 et en Arts de l'enregistrement à Paris-Est, Benoit Méry reçoit l'enseignement de Claire Simon. Il réalise et autoproduit Bruno en 2011 (un 52 minutes sur un toxicomane), puis Dans la peau en 2014, un court documentaire primé par France Télévisions.
En 2019, il écrit Invisible, une création radiophonique pour France Culture. Il revient au cinéma en 2024 en signant Double dragon, coréalisé avec Grégoire Korganow, et Apocalypse, produit par le Grec et qui remporte un vaste succès dans les festivals (Aix-en-Provence, Grenoble, le Fipadoc à Biarritz, Interfilm à Berlin, Zinebi à Bilbao, Saõ Paulo…) et une Mention spéciale du jury national à Clermont-Ferrand.
Critique
Le film s’ouvre sur un carton : “Il y a une urgence en moi. Quand elle est trop forte, il faut qu’elle sorte”. Sur l’écran rouge, un chant mystique monte, et déjà Apocalypse trouve sa note : entre la ferveur et la transe. Un festivalier s’avance péniblement, de dos, sac orné de logos Metallica et Gojira. Il titube presque, figure christique sur son chemin de croix. Le titre du film n’est pas bibliquement anodin. C’est le temps des préparatifs, des valises et des tentes pour regagner le Hellfest, messe métalleuse nichée au cœur de la Loire-Atlantique.
Bientôt, c’est une marée d’hommes et de femmes qui progresse sur une voie rapide, entre The Walking Dead et un pèlerinage. Arrivé sur place, un chanteur lève les bras en croix devant une foule compacte. Au loin, on aperçoit les lettres géantes de la “War Zone”, scène alternative emblématique du festival. L’image est à la fois dérisoire et sacrée : le Hellfest est filmé comme un autel moderne, un lieu de passage et d’allégresse.
Les chanteurs répètent les cris gutturaux, coulisse des incantations à venir. Un batteur, la tête saisie entre les mains, est à la fois une goule recourbée sur elle-même et prêtre d’un culte bruitiste. Benoit Méry aborde ainsi le metal par le prisme de la fantasy, filme les gestes, les rituels et les apparats comme autant de signes d’une mythologie. La caméra se glisse dans les pogos, au ras du sol, au milieu des corps en sueur, puis s’attarde sur les visages concentrés des techniciens ou des agents de sécurité.
Le film fait de cet espace saturé un théâtre organique, où la musique ne se contente pas d’être jouée : elle possède, élève et consume. Apocalypse est tout entier articulé autour du son comme force de révélation, d’une expérience d’écoute commune. Il redessine une liturgie profane, une communauté d’hommes et de femmes unis dans la même pulsation, ce que le son uniformise : on y entend moins les instruments qu’une vague onde trouée, à la fois planante et pleine de tension.
L’Apocalypse devient alors moment de vérité, clairvoyance passagère au cœur du tumulte. Le Hellfest se transforme en fin du monde joyeuse : flammes, stroboscopes et poussière composent une iconographie incandescente qui exalte la vitalité du collectif. Le film est ainsi fascinant parce qu’il prend le contrepied du documentaire de performance, revisite le film de festival en une partition d’échos, de rugissement et de saturations. Un monde où la sensualité bestiale devient le seul prophète entendable, pour la foule et pour le film.
Arnaud Hallet
Réalisation et scénario : Benoit Méry. Image : Louis Hanquet. Montage : Thomas Cali et Benoit Méry. Son : Jérôme Petit. Production : GREC.


