
Anna et Manon vont à la mer
Catherine Manesse
2020 - 4 minutes
France - Animation
Production : La Poudrière, école du film d’animation
synopsis
Après une colo de vacances, Anna et Manon décident de partir vivre à la mer pour ne jamais se quitter.
biographie
Catherine Manesse
Née en 1996, Catherine Manesse est sortie diplômée de l'école des Gobelins en 2018, où elle a coréalisé avec Julie Bousquet et Estelle Hocquet Caldeira.
En 2020, elle achevait sa formation à l'école de la Poudrière, après y avoir signé Mauviette, Manger des cailloux (dans le cadre des les Espoirs de l'animation, en partenariat avec la chaîne Tiji) et Anna et Manon vont à la mer, son film de fin d'études, qui a été sélectionné en section jeune public au Festival de Clermont-Ferrand 2021.
Elle a aussi travaillé en tant qu'animatrice sur plusieurs courts métrages, dont Ma footballeuse à moi ! de Cheyenne Canaud-Wallays (2024). Elle développe alors un nouveau projet, Vlassovo, qui bénéficie d’une bourse d’écriture de Ciclic-Région Centre-Val de Loire et d’une résidence d'écriture.
Critique
Pour parler de la force des amitiés adolescentes, qui naissent en un clin d’œil, renversent tout sur leur passage, et s’achèvent parfois avec la même soudaineté, Catherine Manesse imagine l’échappée belle de deux copines qui viennent de se rencontrer en colonie de vacances. Depuis la fenêtre du train où elles nous apparaissent pour la première fois, elles lancent en guise d’adieu ce qui ressemble à leur premier manifeste : “Salut, les débiles !”, manière d’affirmer haut et fort que désormais le monde se divisera en deux catégories : elles – toutes les deux ensemble – et les autres – qui se confondent dans la masse informe de leur médiocrité.
Confortablement installées dans leur compartiment, Anna et Manon se mettent alors à rêver à l’avenir radieux qui les attend. Un rêve simple et naïf, en forme de robinsonnade – peut-être directement inspiré de lectures ou de films – qui se matérialise très joliment à l’écran en quelques plans joyeux qui sont comme entraperçus depuis la fenêtre du train : pêcher un gros poisson, manger de la pastèque sur la plage, regarder le coucher de soleil depuis la plus haute branche d’un arbre… Être ensemble, tout simplement.
Mais ce paradis fantasmé est brutalement dissipé par l’arrivée de deux autres voyageurs qui, par leur simple présence, rompent le charme. Au contact de la réalité, quelque chose se brise. La belle vie au soleil en restera au stade du rêve impossible. Les deux amies quittent le train, et connaissent leur première dispute, à la hauteur, en termes d’intensité, de la puissance de leur amitié. C’est une séquence forte, très finement mise en scène autour de la voie ferrée, comme un ballet des corps répondant à la joute verbale qui oppose brusquement les esprits. Au lieu d’aller crescendo (dans le ton comme dans les insultes), elle s’achève sur une phrase prononcée à toute petite voix, de l’autre côté du train qui passe bruyamment entre elles, achevant symboliquement de les diviser.
Alors, lorsqu’on les retrouve après une ellipse temporelle relativement longue, la colère et le ressentiment ont déjà fait place à la mélancolie, et à la nostalgie de ce qui ne sera plus, autant que de ce qui ne sera jamais. Apaisées, les deux jeunes filles peuvent partager leurs provisions, et aborder l’enjeu réel de toute leur escapade : “C’est triste que tu ne reviennes pas l’année prochaine…”, dit simplement l’une à l’autre, alors que leur position, de dos, face à la mer, dans la lumière déclinante, rappelle fugacement la scène du coucher de soleil dont elles avaient rêvé.
Dans cette chronique tendre et minuscule passent tour à tour la spontanéité et l’insouciance de l’enfance, confrontées à l’inexorable (le temps qui passe et l’inéluctable séparation) et aux premiers espoirs déçus. Alors le film offre aux personnages une parenthèse enchantée, un espace dans lequel l’impossible aura été possible durant quelques heures. Oui, Anna et Manon sont allées à la mer, et cela, on ne pourra pas le leur prendre.
Marie-Pauline Mollaret
Réalisation et scénario : Catherine Manesse. Image : Catherine Manesse. Montage : Suzanne Van Boxsom. Son : Hervé Guyader et Emmanuelle Villard. Animation : Catherine Manesse. Musique originale : Oscar Aubry. Voix : Giulia Terras, Jasmine Hamadouche et Vito Burkhardt. Production : La Poudrière, école du film d'animation.