Extrait
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Adieu la chair !

Yohan Guignard

2017 - 15 minutes

France, Belgique - Fiction

Production : Tact Production, Neon Rouge Production

synopsis

Un stade de rugby d’un village du Sud-Ouest. Chaque dimanche, les corps s’entrechoquent violemment. Sur le bord du terrain, Louis et ses amis juniors sont fascinés devant les exploits de l’équipe adulte.

Yohan Guignard

Né en 1985 à Toulouse, Yohan Guignard a débuté par une formation d'acteur à Muret (Haute-Garonne), avant de suivre un cursus en cinéma à la Sorbonne, puis à l'IAD (Institut des arts de diffusion), en Belgique, dont il est sorti diplômé en 2011 et où il a signé plusieurs courts métrages documentaires, parmi lesquels Christophe, entre deux cafés en 2010.

Il a poursuivi sur le terrain documentaire avec Récifs (2013), Les joueurs (2015), Random Patrol (2020, Prix du court métrage à Cinéma du réel en 2021), Jeunes bergers (2021) et Les travaux et les jours (2022).

Il a fait en parallèle une incursion dans la fiction avec Adieu la chair !, court métrage présenté en 2917 à Cinemed, à Montpellier et lauréat du Grand prix du Festival Le Court en dit long, au Centre Wallonie-Bruxelles, à Paris, la même année.

 

Critique

Tout commence à la fin. À la fin d’un match. Le film démarre dans le temps d’après, le temps d’à côté. Le premier plan d’Adieu la chair ! saisit des joueurs de rugby qui écoutent leur entraîneur leur passer une soufflante dans un vestiaire, une fois le match terminé, dont ne voit aucune image. Un film de vestiaire, de coulisse donc. Dans un village du Sud-Ouest, chaque dimanche, c’est jour d’affrontement. Un jeune adolescent de l’équipe junior y est particulièrement fasciné par la star grande gueule de l’équipe adulte. L’entraîneur sonne donc les cloches avec autorité, réclame plus d’envie, plus de hargne. Et rendez-vous la semaine prochaine, rebelote. C’est déjà une scène qui étale tout un système viriliste et qui semble méduser notre jeune héros, depuis le rebord du banc. Les yeux baissés, timoré et aussi impressionné qu’admiratif des grandes gueules gaillardes. À qui fanfaronnera le plus fort, il cherche sa place. 

Rester dans le vestiaire, pour le cinéaste Yohan Guignard, est le meilleur moyen de regarder son personnage de côté. Rester sur le banc de touche pour mieux y chercher la tendresse. Réservé et réserviste. Toute la mise en scène se construit ainsi selon des champs/contrechamps qui articulent l’individuel et le collectif. Le film demande comment faire groupe, à savoir comment se forme une équipe hors-terrain. Une équipe qui vaut comme une bande, voire un clan. Tout se construit à partir du physique des joueurs : bonjour la chair. Les T-shirts de boue, les peaux colorées par l’herbe verte et la terre humide, les joues rosies par l’effort. Donner son corps à la science, faire vœu de pulsions. 

Quand le capitaine adulé se blesse, c’est une opportunité en or qui se profile pour notre jeune éphèbe aux larges épaules. C’est le moment d’entrer sur la scène. Adieu la chair ! va alors se permettre de rentrer sur le terrain avec son personnage, de mettre en scène une partie du match. Le jeune joueur s’est attaché, sous un bandage autour de la cuisse, comme un porte-bonheur, une boucle d’oreille, trouvée plus tôt sur le terrain quand il fut le témoin inopiné d’un flirt nocturne. La scène est filmée comme la perte d’une virginité et le film s’éclaire alors. Derrière la chair, le sang. Le récit d’apprentissage se fait par le retour au tribal. En plus d’être le vecteur d’une initiation, le sport devient ainsi une chorégraphie chamanique. Sous le bruit des membres qui s’entrechoquent, des muscles dessinés ou des corps en pleine puberté, c’est toute un ballet de peau et de chair qui se met en place. Adieu la chair ! conjugue les premiers émois avec la brutalité et tout entre en fusion. Frappe ton torse, car les cœurs tremblent comme des feuilles.

Arnaud Hallet

Réalisation et scénario : Yohan Guignard. Image : Benjamin Morel. Montage : Faustine Cros. Son : Charlotte Comte, Gabriel Mathé et Faustine Cros. Interprétation : Louis Weiler, Huggo Clinquart, Quentin Couëffé, Patrice Tépasso et Stéphane Bohn. Production : Tact Production et Neon Rouge Production.

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