Extrait
Partager sur facebook Partager sur twitter

27

Flóra Anna Buda

2023 - 11 minutes

France - Animation

Production : Miyu Productions

synopsis

Alice a 27 ans aujourd’hui. Même si elle étouffe un peu, elle vit toujours chez ses parents et a tendance à vivre dans ses rêves pour échapper à son morne quotidien. Après une fête psychédélique sur un toit d’usine, elle a un grave accident de vélo en état d’ébriété. Cela lui donnera-t-il le courage d’entrer dans l’âge adulte ?

Flóra Anna Buda

Née en 1991 à Budapest, en Hongrie, Flóra Anna Buda est diplômée, en tant que réalisatrice de films d’animation, du MOME, établissement situé dans sa ville natale.

Profondément intéressée par les rêves et la science, elle aime nourrir ses histoires d’un contenu personnel. En 2018, elle réalise le court métrage Entropia, sélectionné dans de nombreux festivals et recevant le Teddy Award à la Berlinale. Coproduit par Miyu et Boddah, 27 lui permet d’obtenir en 2023 la Palme d’or du court métrage au Festival de Cannes et le Cristal du court métrage au Festival d’Annecy.

Critique

27 ans. Flóra Anna Buda ne les a plus depuis quelques années, mais ils sont encore très présents dans sa tête, à tel point qu’elle en a fait le sujet de son troisième court métrage. Si le film n’est pas complètement une autobiographie, il s’inspire néanmoins fortement de cette année-charnière de sa vie, où, selon ses propos, elle hésitait entre adolescence et âge adulte (voir son interview en ligne pour Arte). Le mot “teenager”, en anglais, se traduit par adolescent, mais désigne littéralement les personnes dont l’âge finit en “teen”, soit de 13 ans (thirteen) à 19 (nineteen). Alors, pourquoi 27 ? Avant, à cet âge-là, on pouvait être propriétaire, marié, sinon parent. Aujourd’hui, les désirs ont changé et le coût de la vie aussi. Le film a beau se dérouler en Hongrie, il y est question, comme en France, de jeunes gens qui reviennent chez leurs parents après leurs études, faute de revenus suffisants. Alice, personnage principal du film, est prise en tenaille entre les injonctions à être adulte et l’impossibilité de le devenir. Le réel est insatisfaisant et tout semble prison, surtout la maison de sa mère – elle a l’impression d’avoir une “ceinture de chasteté”. Alors, elle s’échappe comme elle peut : danse, musique, sexe et drogue. Le choix de l’animation pour faire exploser ces échappatoires sonne comme un appel à la liberté en soi ; rien n’entrave un(e) cinéaste d’animation. Comme Alice, il ou elle peut se soustraire à la réalité et ne garder que l’idée qui lui en reste, que les regards importants, les mouvements qui comptent, les couleurs qui lui plaisent. En ne s’encombrant pas de comédien(ne)s et en se contentant de dépeindre une expression de visage avec une étonnante précision, d’un coup de pinceau dans un sens plutôt qu’un autre. Bien sûr, cette technique permet aussi de peindre les hallucinations d’Alice sous l’effet de la drogue, alors qu’elle est happée par des formes, des couleurs, des transformations. Toutes ces images liées les unes aux autres font étrangement plus sens que le quotidien. Elles sont raccordées à une musique entêtante, certes cohérente, mais aussi inquiétante par son sourd bourdonnement. Cette liberté-là n’est en effet pas sans danger. S’aider de drogue pour imiter un petit frère qui, lui, n’a besoin que de son imagination pour se convaincre de détenir un pistolet, ne prêter que peu d’attention aux adultes (on ne voit presque pas le visage de la mère), sauf à dessein dans le fantasme, se rapproche d’un déni ou d’une fuite. Pourtant, Alice aspire à mieux et porte son regard sur le monde, par sa fenêtre et en haut d’une lettre géante surplombant la ville. Elle contemple le paysage comme elle pourrait s’imaginer l’avenir : avec calme. Elle aspire à mieux et il suffirait que quelqu’un lui dise que devenir adulte ne signifie pas arrêter complètement de jouer.

Anne-Capucine Blot

Réalisation et scénario : Flóra Anna Buda. Animation : Natália Andrade, Melinda Kádár, Zoltán Koska, Gábor Mariai, Luca Tóth, Borbala Zétényi et Flóra Anna Buda. Montage : Albane du Plessix. Son : Péter Benjámin Lukács. Musique originale : Mári Mákó et Rozi Mákó. Voix : Natasa Stork, Ádám Fekete, Franciska Farkas, Simon Szabó, Éva Enyedi et Márk Kaszás. Production : Miyu Productions.