En salles 30/05/2018

"Une année polaire” sous le regard de Samuel Collardey

Parmi les sorties du dernier mercredi de mai, le nouveau long métrage de Samuel Collardey nous offre l’occasion idéale de proposer en ligne son film d’école de la Fémis “Du soleil en hiver”.

Depuis la série de films, courts ou long, qu’y a tourné Sébastien Betbeder (ou en lien direct, comme Inupiluk), le Groenland n’est plus tout à fait pour nous une terra incognita cinématographique et si Samuel Collardey s’y est à son tour aventuré, c’est selon une démarche sensiblement différente. Lui n’embarque pas des “parigots” dans un bled isolé de la glaciale île-continent, mais un instituteur venu du Danemark (le vrai propriétaire du territoire en question, on l’oublie trop souvent...) et ayant choisi volontairement ce poste éloigné et synonyme de rudes conditions de vie.

Surtout, Collardey a voulu, pour ce projet, renouer avec sa méthode de travail, si particulière et assez funambulesque, expérimentée sur Du soleil en hiver, puis L’apprenti. À savoir diriger des non-professionnels et s’inspirer du réel pour jouer avec des limites floues entre fiction et documentaire, le récit se construisant au fur et à mesure, même si une copieuse phase d'écriture a précédé le tournage. Notons que Tempête, à l'occasion duquel nous avions consacré un gros plan au cinéaste (voir Bref n°118, février 2016), s’appuyait sur un parti pris méthodologique également passionnant, où les interprètes, amateurs eux aussi, rejouaient ce qu’ils avaient vécu eux-mêmes quelque temps auparavant.

Ici, l’histoire d’Anders durant son année scolaire passée dans les neiges, parmi les 80 habitants de Tiniteqilaaq, se déploie au fil de ses différentes étapes, de son arrivée à son intégration, en passant par une certaine mise à l'écart... Différents éléments convergent au sein du scénario, venus parfois de l’extérieur (Anders n’a pas vécu directement tout ce qui est montré), pour ce qui apparaît aussi comme le tableau de la vie d’une communauté et d’une culture en pleine mutation, soumise à plusieurs menaces (bouleversements climatiques, sentiments d’intrusion colonialiste, etc.).

Il est aussi question, évidemment de transmission – à travers, notamment, un grand-père chasseur perpétuant des coutumes ancestrales – et cette thématique tend un lien supplémentaire avec le duo de Du soleil en hiver, dans cette ferme du Haut-Doubs elle aussi cernée par les étendues enneigées. La même capacité à entrer en empathie avec les personnages et une constante attention portée à la forme, avec un talent hors pair dans la composition des cadres, autour de paysages à la beauté figée, continuent de situer Samuel Collardey à une place assez unique, plutôt hors du sérail, dans le cinéma français.

Christophe Chauville


Filmographie courts métrages de Samuel Collardey

René et Yvonne (2004, 20 min)
Du soleil en hiver (2005, 17 min)