En salles 29/08/2018

“Sauvage” : Léo tout en bas

Très en vue lors de la dernière Semaine de la critique, le premier long métrage de Camille Vidal-Naquet lance la grande rentrée du cinéma français dès cette semaine.

Derrière son titre qui claque, ce premier long métrage a marqué de son empreinte la Semaine de la critique 2018, valant à son jeune interprète principal Félix Maritaud un Prix de la révélation amplement mérité. L’acteur, vu auparavant dans un petit rôle de 120 battements par minute de Robin Campillo, joue Léo, un sans-abri qui se prostitue sur les boulevards d'une périphérie urbaine, subit le froid, la pluie, les violences et les humiliations, au point d’avoir, à vingt-deux ans, un organisme déjà sévèrement abîmé. La dureté du propos – et du traitement tout à la fois, avec des scènes parfois à la limite du soutenable –, se nuance pourtant d’une certaine douceur, sinon de tendresse, le jeune homme n’ayant pas renoncé à connaître l’amour et souffrant de l’indifférence de son “collègue” Ahd, qui a choisi le confort de l’entretien d’un septuagénaire “sugar daddy”. Et ce n’est certainement pas un film à thèse, explorant les milieux de la prostitution homosexuelle, que propose le réalisateur, mais le récit d’une longue nage en apnée vers un instant de retour à la surface éventuel, pour mieux respirer et espérer revoir le soleil.

On retrouve ci et là des résurgences des films précédents de cet auteur rare, notamment le jeu avec le faux et la mise en scène par les personnages de fragments du réel qui conditionnaient la narration de Backstage, primé au Festival de Grenoble en 2001, il y a dix-sept ans déjà. Le personnage de ce film en noir et blanc, un jeune comédien odieux incarné par Alexis Loret, était, au-delà de sa notoriété, plongé dans une profonde solitude, tout comme Léo et tout comme le héros perturbé de Mauvaise tête, belle réussite plus récente. Isolé du jeu social au moment où sa mère était plongée dans le coma, ce jeune étudiant en médecine voyait son quotidien basculer dans une atmosphère inquiétante, sinon fantastique. Le réalisateur excellait à dépeindre un aspect particulier du milieu médical, ce qui constitue aussi l’un des atouts de plusieurs scènes – très touchantes – de Sauvage, où une compassion peut enfin surgir envers ce madacam cow-boy contemporain.

Christophe Chauville


Filmographie courts métrages de Camille Vidal-Naquet
Génie 
(1996, 6 min)
Backstage (2001, 24 min)
Mauvaise tête (2013, 28 min) 

 

 

 

 


À lire aussi notre interview de Camille Vidal-Naquet, ici.