En salles 02/10/2018

“Mademoiselle de Joncquières” : Emmanuel Mouret au siècle des Lumières

Le nouveau film d’Emmanuel Mouret va s’installer durablement sur ce début d’automne et nous donne l’occasion de proposer en ligne trois des œuvres courtes de ce cinéaste au ton si personnel, que “Bref” a défendu dès ses premiers pas à la fin des années 1990.

Que Mouret s’attaque au XVIIIe siècle, c’était si naturel qu’il est même surprenant que cela n’intervienne qu’aujourd’hui, pour le neuvième long métrage du réalisateur – et son premier en costumes ! Les jeux de la séduction, évidemment, se trouvent au cœur de son œuvre depuis ses débuts, en premier lieu la figure inusable du triangle amoureux, en tout cas celle où un individu de sexe masculin se retrouve tiraillé entre deux femmes. Mouret lui-même l’incarnait dans Caresse et Promène-toi donc tout nu, laissant un comédien se dépatouiller d’une semblable situation dans Il n’y a pas de mal.

En miroir, c’est Édouard Baer qui endosse, dans Mademoiselle de Joncquières, le rôle du séducteur invétéré, un marquis qui abandonne la distinguée madame de La Pommeraye pour l’ingénue désignée par le titre. Cette libertine légèreté d’atmosphère imprégnait déjà le rohmérien Il n’y a pas de mal, tourné à Saint-Germain-en-Laye, toponyme important de l’Histoire de France. France, c'est justement le prénom de la jeune fille y cherchant, mine de rien, à séduire le héros, François, tout en travaillant à se débarrasser de celle qu’elle a identifiée comme une rivale dangereuse, présumée plus délurée : Cerise...

On pourrait aussi retracer le schéma frivole du stratagème faisant éprouver sa fidélité à Caresse – autre prénom explicite –, engagée avec un garçon et racontant un rêve charnel à un ancien camarade de classe, forcément troublé... Les femmes mènent le jeu, à la manière du personnage joué par Cécile de France dans Mademoiselle de Joncquières, et Promène-toi donc tout nu voyait Constance – l’élément stabilisateur, ou censé l’être ! – jeter Clément/Mouret dans les bras et le lit de sa pulpeuse cousine Liberté, afin qu’il juge de la solidité de sa relation avec sa petite amie Stéphanie. Longtemps avant de s’inspirer de Diderot (Jacques le fataliste et son maître), ce tropisme émergeait de film en film avec évidence, ce que le court métrage Aucun regret, tourné sur le campus d'Aix-en-Provence en 2015, après Caprice, venait à nouveau confirmer, si besoin était encore.

Christophe Chauville


Filmographie courts métrages d'Emmanuel Mouret

Vite à vie (1990, 10 min)
Il n'y a pas de mal (1997, 20 min)
Promène-toi donc tout nu (1998, 49 min)
Caresse (1998, 13 min)
Aucun regret (2015, 22 min)