En salles 09/02/2018

Le droit de vivre... et de jouir

L’une des plus modestes sorties de la semaine aurait mérité de l’être un peu moins... “Vivir y otras ficciones” de Jo Sol explore le territoire méconnu – et souvent glissé sous le tapis social – de la sexualité des personnes en situation de handicap.

Distribué par les montpelliérains Films des Deux rives, ce long métrage espagnol assez court – il dure environ 1h20 – a été mené à bien sans aucun soutien financier public et sans la moindre aide d'une chaîne, donc dans une totale indépendance. Il entraîne surtout le spectateur dans des luttes dont il ignore généralement tout, celles des revendications, légitimes et peu entendues, de ceux que la société réduit à leur handicap afin d'avoir accès à une sexualité réelle et préservée de toute confiscation “morale” du débat sur les assistant(e)s spécialisé(e)s en la matière (peu relayé au cinéma, sinon dans le film américain The Sessions, de Ben Lewin et avec Helen Hunt en 2012).

L'activiste Antonio Centeno, lui-même tétraplégique, tint l'un des rôles principaux d'un film qui brouille ainsi de façon troublante la frontière entre réalité et fiction, parvenant de surcroît à contourner le péril du voyeurisme grâce à une véritable délicatesse dans l'écriture et dans sa distance, parfaitement adéquate, à ses personnages, notamment la jeune prostituée sollicitée, solaire et généreuse. Le film, qui n'est pas un premier long métrage, marche sur un fil sans jamais trébucher et c'est là un tour d'habileté supplémentaire sur le terrain miné de la réprésentation du handicap au cinéma.

On peut lire une interview du réalisateur, le Catalan Jordi, dit Jo Sol, en ligne sur le site Cinespagne et, surtout, voir dans une petite dizaine de salles en France, dont le Saint-André des Arts à Paris, ce film atypique qui a été récemment plébiscité par les votes des internautes du dernier “Arte Kino Festival” après avoir reçu rien moins que l'Antigone d'or du festival Cinemed de Montpellier en 2016 et le prix du Meilleur film au Festival du film espagnol de Toulouse, Cinespaña.

Christophe Chauville