En salles 19/04/2018

La fille du motel

Elle pourrait sortir d’une chanson d’Eddy Mitchell, Katie... Difficile d’oublier l’héroïne de ce premier long métrage indépendant américain, remarqué à Deauville l’an dernier : “Katie Says Goodbye”, de Wayne Roberts, l’une des plus recommandables nouveautés de cette semaine.

Ce printemps 2018 voit un nombre important de films enracinés dans l’Amérique profonde débarquer en salles, que ce soit sur un mode documentaire (America, Coby, Southern Belle) ou fictionnel (The Rider, Mobile Homes, La route sauvage). Katie Says Goodbye, de Wayne Roberts (qui est originaire – point insolite – d’Alaska), s’y apparente sur ce point, se déroulant dans l’un de ces états du sud-ouest ayant fait tout le lustre du western, et s’intéresse à une petite serveuse de snack en proie à des difficultés financières et qui joint les deux bouts en faisant quelques passes, plus ou moins discrètement, avec des obsédés locaux ou des routiers de passage.

Cette chic fille, attachante et courageuse, rêve de gagner la Côte Ouest, la liberté de San Francisco plus précisément, et de s’en sortir loin d’ici, peu importe les moyens utilisés. Quand elle rencontre un nouvel employé du garage voisin, barbu taciturne, elle en tombe amoureuse et ses projets se voient quelque peu brouillés.

Pour son premier long métrage, le réalisateur, ancien étudiant de la Tisch School of Arts de New York, prend nettement le parti de la fiction, sinon d’un certain romanesque, mais soigne une vérité, si l’on ose dire, très proche du réel, par exemple en ayant majoritairement effectué une prise unique pour chaque scène. Sa caméra à l’épaule nous tient en outre au plus près de Katie et de ceux qui l’entourent, jusque dans des scènes charnelles peu habituelles dans le cinéma américain. Cette petite-cousine américaine de la Rosetta des Dardenne nous touche et nous émeut, le film étant toujours tranchant et pudique à la fois, n’en rajoutant pas sur le volet de la précarité et des choix du quotidien qui se traduisent pourtant parfois par de véritables drames humains (voir quand Katie est accusée de vol au restaurant, alors que la coupable est sa collègue, parfaite petite saint-nitouche wasp, que notre héroïne choisit de ne pas dénoncer).

Également à l’affiche du Ready Player One de Spielberg, Olivia Cooke est aussi rayonnante que vibrante dans le rôle de Katie, autour de qui on retrouve avec plaisir la grande Mary Steenburgen en patronne magnanime et, en camionneur débonnaire et “client” régulier, Jim Belushi, qui est vraiment de retour après le Wonder Wheel de Woody Allen.

Katie Says Goodbye s’annonce comme le premier volet d’un triptyque, le second volet – Richard Says Goodbye – mettant en scène Johnny Depp et le troisième réunissant les deux personnages-titres. On en a déjà hâte...

Christophe Chauville