En salles 20/06/2018

L’impertinence au pinacle : "À genoux les gars”

Un mois après sa présentation à Cannes, dans le cadre d’Un certain regard, “À genoux les gars” sort cette semaine. L’occasion de retracer brièvement le parcours de son turbulent réalisateur, Antoine Desrosières.

À genoux les gars marque le retour d’Antoine Desrosières à un format de long métrage, pas moins de dix-huit ans après Banqueroute, montré par l’Acid à Cannes en 2000. Cette fois, c’est Un certain regard qui a accueilli la nouvelle réalisation de ce recordman de précocité du cinéma français, qui avait finalisé à seulement quinze ans son premier film, Made in Belgique, sélectionné sur la Croisette au sein de la section disparue Perspectives du cinéma français. Il n’avait pas atteint la vingtaine lorsqu’il signait son deuxième court métrage, L’hydrolution, où il affirmait encore son goût pour la comédie, sinon le burlesque – ce qu’un autre film parodique, Maurel et Mardy mendient, avec Luc Moullet et Joseph Morder venait du reste confirmer un peu plus tard. Mais cette première carrière est désormais lointaine et le registre comique dans lequel Desrosières entend aujourd’hui s’affirmer se différencie nettement de l’enchaînement muet de gags de Made in Belgique – où apparaissent de façon troublante, en le revoyant, l’ombre du grand Jean Bouise et l’angélique beauté de Pauline Lafont. À genoux les gars, en revanche, est indissociable d’Haramiste, ce moyen métrage qui a remis en lumière le réalisateur, qui avait objectivement un peu disparu des radars. Même duo d’actrices (Souad Arsane et Inas Chanti), même méthode de travail et même attention portée à des dialogues jaillissant en geyser, mêmes thématiques où affleure la tentation d’une certaine volonté de diviser, sinon de provoquer. Il est question de sœurs appartenant à un milieu bien défini : Yasmina et Rim, jeunes “beurettes” de cité élevées dans la religion musulmane (elles sont toutes deux voilées dans le premier plan d’Haramiste) et confrontées de manière très crue aux problématiques de la sexualité à l’ère 2.0, à savoir les sites de rencontres sans fards ou les vidéos compromettantes balancées sur les réseaux sociaux.

Desrosières fait le choix délibéré de la gouaille, sinon du cabotinage, pour faire rire, en faisant sauter les tabous et en abordant, mine de rien, des motifs aussi symboliques que la reconstitution physiologique de la virginité. Son point de vue entend, évidemment, se ranger du côté des filles, malmenées par le machisme ordinaire de leur environnement et parvenant habilement à retourner la situation à leur avantage, en tout cas dans À genoux les gars. Non consensuel, certes – comme on a pu s’en rendre compte à Cannes –, possiblement irritant, mais pas inutile non plus dans le contexte de #MeToo.

Christophe Chauville


Filmographie courts métrages

Made in Belgique
(1987, 7 min)
L'hydrolution (1990, 10 min)
Maurel et Mardy mendient (1999, 12 min)
Un bon bain chaud (2012, 45 min)
Haramiste (2015, 40 min)