En salles 26/11/2018

“Derniers jours à Shibati” : chronique d’une disparition

Un moyen métrage distribué en salles “en soi”, voilà qui n’est pas si fréquent. Mais le thème et l’ampleur exceptionnelle du dernier film d’Hendrick Dusollier, “Derniers jours à Shibati”, légitiment d’évidence cette belle sortie de la dernière semaine de novembre.

Récompensé au printemps dernier du Prix du public au Festival du film de Brive et du Grand prix de la compétition française à Cinéma du Réel, le moyen métrage documentaire d'Hendrick Dusollier Derniers jours à Shibati – dont la durée se situe juste sous l'heure de projection : 58 minutes – arrive dans les salles ce mercredi 28 novembre, sous l'étendard de Météor Films

Si le réalisateur avait été remarqué une première fois avec l'animation hybride Obras en 2004, c'est bien le documentaire qui l'attirait depuis le départ et s'il effectue une nouvelle incursion dans l'animation “de synthèse”, en 2008, à travers Babel, il s'inspire alors, suite à un voyage à Shanghaï, des transformations galopantes caractérisant la Chine du nouveau millénaire. C'est donc dans la droite lignée de ces préoccupations qu'il entreprend Derniers jours à Shibati, du toponyme d'un quartier figurant parmi les plus anciens de Chongqing, la plus vaste ville du monde (peuplée de plus de... 30 millions d'habitants !). Arrivant sur place seul et sans interprète, le cinéaste va à la rencontre des habitants du quartier promis à la destruction et y reviendra plusieurs fois, retrouvant à chaque fois quelques-unes de ces victimes de la modernité dérégulée, à savoir un petit garçon, une vieille femme ramassant des déchets et un artisan-barbier dont l'échoppe semble de plus en plus plantée au milieu de nulle part... 

S'éloignant délibérément du lyrisme et de l'esthétique sophistiquée d'Obras, avec son (faux) plan-séquence absolument étourdissant, Dusollier opte cette fois pour une démarche documentaire brute, minimaliste, pour entrer dans l'intimité de ses personnages, avec qui s'instaure une authentique proximité, sinon une affection ou même une parentèle. Filmant de manière discrète, avec son appareil-photo, il parvient à une immersion pénétrante et rendant l'entreprise peu à peu bouleversante, en métaphore de tant d'autres mondes qui disparaissent régulièrement, ici ou ailleurs, pour des pertes irréparables dans l'histoire des hommes. 

Nous reviendrons sur ce film aussi important que directement accessible à tous – ce point est à souligner – dans la prochaine édition de la revue Bref, à paraître début mars 2019.

Christophe Chauville