Oliveira toujours vivant
Deux ans après sa disparition – c’était le 2 avril 2015 et il avait, redisons-le, 106 ans –, Manoel de Oliveira est à l’honneur d’une très belle édition d’Épicentre, en deux DVD.
Le dernier film du maître lusitanien aura été un court métrage, et restera à jamais comme tel : Le vieillard du Restelo (photo), daté de 2014 et qui représente un admirable concentré de son cinéma, s’appuyant une fois encore sur sa passion inépuisable pour l’Histoire et la littérature. Celles de son pays, celles du continent tout entier ou celles qui relient l’humanité dans son ensemble. Notre patrimoine commun, celui de Cervantès, Victor Hugo ou des Lusiades de Camões, ce monument de la culture portugaise peu connu en France. Oliveira sonde les siècles et leurs guerres incessantes, les victoires engendrant souvent des débâcles. La “vaine gloire de commander” le fascine et son film exprime la sagesse en perpétuel questionnement d’un vieil homme malicieux, qui joue avec le film d’époque en convoquant dans un décor de notre siècle, un banc dans une zone d’immeubles résidentiels, ces grands écrivains du passé, et même Don Quichotte lui-même, incarné par son petit-fils Riccardo Trêpa. La forme inclut également des images hybrides, comme des extraits du film de Kozintsev sur le filiforme chevalier s’attaquant vaillamment aux moulins à vent. Des gravures de Gustave Doré émaillent le récit – notre héritage collectif, si précieux, encore…
Évidemment, Le vieillard du Restelo n’est pas le plat de résistance de cette édition, qui tourne avant tout autour du film posthume du cinéaste, tourné en toute discrétion en 1982 (il avait déjà plus de soixante-dix ans) et qui ne devait être visible qu’après sa mort. Visite ou Mémoires et confessions s’inscrit dans la veine intime de Porto de mon enfance, revenant sur la vie de l’artiste, son riche paysage mental, sa vision du fleuve de l’existence, la sienne ayant été plus longue et plus créative que la moyenne dans ses derniers méandres.
La seconde galette propose l’essai documentaire de João Botelho Le cinéma, Manoel de Oliveira et moi, ainsi que des témoignages, en bonus, de collaborateurs proches, parmi lesquels la toujours lumineuse Leonor Silveira, Paulo Branco ou José Manuel Costa, directeur de la Cinémathèque de Lisbonne.
Christophe Chauville
Visite ou Mémoires et confessions de Manoel de Oliveira, DVD double, Épicentre Éditions, 24,90 euros (prix conseillé).
Disponible depuis le 25 avril 2017.
