Cahier critique 21/08/2018

“Penny Dreadful” de Shane Atkinson

Un polar aux airs de comédie avec une fillette dont il n’aurait jamais fallu croiser le chemin (Prix SNCF du polar 2014)

Couettes parfaitement symétriques, uniforme scolaire réglementaire, sourire aiguisé s’affichant sur commande, Penny a tout, en apparence, de l’écolière modèle. Un peu trop sans doute… Dans cette petite bourgade de l’Utah, Dennis, abonné à la poisse, va vite comprendre qu’il n’aurait jamais dû la kidnapper. Car les apparences sont souvent trompeuses et les prendre à rebours peut évidemment être, pour un scénariste, un excellent moyen d’entamer une comédie.

Figure éprouvée du malfrat maladroit, du gentil loser sur qui le sort s’acharne, Dennis ne déparerait pas, pour le situer, dans la première décennie de cinéma des frères Coen (ceux de Blood Simple, d’Arizona Junior ou de Fargo). Et s’il était anglais, on aurait bien vu ce personnage, quasi-sosie de Simon Pegg, égaré dans un film d’Edgar Wright (le réalisateur de Shaun of the Dead) auquel l’humour noir très référencé de Penny Dreadful fait souvent penser.

Penny, quant à elle, rejoindrait facilement la cohorte d’enfants maléfiques que dispense régulièrement le cinéma fantastique si elle n’était dotée de ce petit grain, de cette malfaçon, qui transforme vite l’inquiétude qu’elle provoque en éclat de rire grotesque (voir ces deux scènes où elle se fait lourdement menaçante avant de s’esclaffer comme une sale gosse, satisfaite de sa vilaine blague).

Pourtant, si Dennis est moins méchant qu’il veut s’en donner l’air, la fillette est, elle, bien plus coriace qu’on pourrait le croire, bien décidée à ne pas se laisser faire, et surtout à profiter de l’aubaine que constitue son enlèvement pour se faire la malle d’un backgroundfamilial qui nous restera inconnu.

En équilibre instable, la jeune comédienne, Oona Laurence, se joue des règles et du bon goût, accentuant le surjeu et les minauderies comme illustrations convaincantes de ce “déséquilibre mental” que Penny, lucide sur son état, confesse à son ravisseur vite dépassé. Tel un petit automate, la voici parlant comme une adulte (rappelant un temps ces enfants-stars hollywoodiens souvent irritants), pour, dès le plan suivant, réclamer naïvement à Dennis une amitié éternelle.

Entre un éclat gore (évoquant explicitement le dérapage sanguinolent d’une mythique scène de voiture dans le Pulp Fiction de Tarantino) et quelques détours par la vie domestique de Dennis, Penny Dreadful carbure, comme son actrice, à cent à l’heure, perfusé au grotesque, à la caricature et aux situations outrées. C’est là, dans ce déploiement d’énergie farceuse et gentiment macabre, que réside toute la réussite de ce court métrage plutôt prometteur.

Stéphane Kahn

Réalisation et scénario : Shane Atkinson. Image : Travis Cline. Montage : Jai Shukla. Son : Bob Melanson et Julian Evans. Musique : Ljova. Interprétation : David H. Stevens, Oona Laurence, Marnie Schulenburg, Richard Busser et Gary Betsworth. Production : Ad Astra Films (Canada).