Cahier critique 26/12/2016

"L’enfant au grelot" de Jacques-Rémy Girerd

Toute la magie poétique du studio Folimage et la malice de l’auteur de "La prophétie des grenouilles" dans un conte de Noël moderne et atemporel à la fois.

Près de vingt ans après sa conception, L'enfant au grelot conserve tout de son pouvoir enchanteur, conte de Noël indémodable (le meilleur au rayon court métrage d'animation) autant que manifeste esthétique et moral d'un studio fondé une quinzaine d'année plus tôt par son réalisateur, Jacques-Rémy Girerd.

On peut s'amuser aujourd'hui à dénombrer les illustres talents qui, plus tard ou parallèlement, signèrent, avec Folimage ou ailleurs, tant de films d'animation emblématiques : de Michael Dudok de Wit (Le moine et le poisson, Father and Daughter, La tortue rouge) à Iouri Tcherenkov (La grande migration), en passant par Antoine Lanciaux (Neige), Benoît Chieux (Tigres à la queue-leu-leu), Alain Gagnol (Une vie de chat) ou le compositeur Serge Besset, ils étaient déjà presque tous là, prêtant main forte à Jacques-Rémy Girerd pour son ambitieux film de Noël. Comme si l'accueillant orphelinat de Mamie Rose dans le film n'était rien d'autre, finalement, qu'une sorte d'extrapolation rêvée du studio et de sa Résidence (où l'on commençait à recevoir depuis 1994 des animateurs étrangers prometteurs).

Orphelinat. Pension de garçons. Petit village de province. D'emblée, L'enfant au grelot se situe dans un hors-temps cinématographique chatoyant où s'entrechoquent, passés au tamis de l'enfance, un imaginaire issu du réalisme poétique, le fumet des romans de Pierre Véry adaptés par Christian-Jaque (Les disparus de Saint-Agil, L'assassinat du Père-Noël) et le petit monde provincial de Jacques Tati. Ce dernier, celui de Jour de fête, est explicitement convoqué à travers la figure d'un facétieux facteur surnommé Grand Jacques, celui-là même qui distribue son courrier au Père Noël et qui trouve dès les premières séquences ce bébé perdu dans la neige, ce fameux enfant au grelot qu'il baptisera Charlie, “comme mon papa à moi précisera-t-il. À son klaxon frénétiquement pressé répond bien sûr le grelot du gamin, leur merveilleuse complicité toute condensée dans une mémorable séquence de distribution du courrier, course folle à bicyclette à travers ville, ponts et automobiles.

Sans doute est-ce par sa simplicité que L'enfant au grelot sut ne pas vieillir. Avec ses décors biscornus, ses maisons de guingois, ses harmonieuses couleurs pastels et l'évidence d'un trait volontiers naïf (des triangles et quelques lignes pour figurer les arbres, une forêt), le film ne s'emploie jamais à impressionner, mais toujours à émouvoir. C'est là probablement, tandis qu'à l'écran tombe la neige et souffle le vent, le secret de sa magie et de sa capacité à toucher directement l'enfant en quiconque le regarde.

Stéphane Kahn

Réalisation : Jacques-Rémy Girerd. Scénario : Damien Louche-Pélissier, Benoît Chieux et Jacques-Rémy Girerd. Création graphique : Damien Louche-Pélissier et Benoît Chieux. Décors : Benoît Chieux et Gaël Brisou. Compositing : Patrick Tallaron et Christian Eydoux. Son : Hervé Guichard, Loïc Burkhardt et Jean-Claude Millet. Musique : Serge Besset. Interprétation : Pierre-Henri Dutron, Pierre Saphores, Jean-Paul Racodon Marie-Hélène Leschiera et Françoise Monneret. Production : Folimage, France 3, ZDF.