News 15/11/2023

“Viva Varda !” : l’expo à ne surtout pas rater !

La grande exposition dédiée à Paris par la Cinémathèque française à Agnès Varda, disparue il y a bientôt cinq ans, se poursuivra jusqu’à la fin du mois de janvier 2024. Nous l’avons visitée et vous faisons volontiers part de notre enthousiasme.

À peine a-t-on foulé l’entrée de la Cinémathèque française que nous sommes déjà accueillis par le regard malicieux de Varda sur la façade, à travers un collage monumental de l’artiste JR. Sur l’extérieur du bâtiment imaginé par Ghery, la cinéaste à la coupe bicolore, le visage à moitié caché, nous invite facétieusement à entrer et nous donne des indices sur l’aspect ludique de la balade à venir. D’autant plus que “Viva Varda !” est la première exposition consacrée à une réalisatrice entre les murs de la Cinémathèque !

Dans cette exposition jalonnée de pièces colorées et égayantes, on vagabonde allègrement à travers les salles, les images et les archives poignantes. La scénographie retrace les nombreuses vies vécues par cette artiste iconoclaste, avec une large palette de photographies disparates. En effet, cette femme d’action a fait ses débuts en tant que photographe, notamment pour le Festival d’Avignon.

Ainsi, en filigrane, les photos tiennent le rôle de boussole créative et humaniste tout au long du parcours. Puis ses désirs d’englober le monde évoluent, la fixité ne lui suffit plus, elle entreprend alors de réaliser en 1955 la matrice de la Nouvelle Vague avec La pointe courte. De par ses méthodes de fabrication minimaliste et l’expression d’une liberté débordante, elle contraste avec les productions empesées de l’époque.

Même dans les films dits “de commande”, comme Du côté de la côte, pour vanter les mérites touristiques du sud de la France, elle prend la tangente poétique. Il faut dire que Varda est une artiste obstinément transversale et protéiforme, notamment avec son travail sur le “cinécriture”, dans Cléo de 5 à 7 (1962), dont on peut apercevoir les écrits dans une archive étonnante, de sa casquette de productrice (avec Ciné-Tamaris) ou encore du glissement de la cinéaste/plasticienne vers l’art contemporain avec des installations type “Une cabane de cinéma : la serre du bonheur”.

Malgré toutes ses inventions incandescentes, ses calembours et ses utopies visuelles, Varda ne perd jamais de vue le caractère humain dans ses projets. De par ses nombreux voyages qu’elle met volontiers en scène dans des courts métrages – comme la rencontre cocasse avec son oncle d’Amérique dans Mon oncle Yanco – elle documente l’émulsion imaginative des espaces en lutte avec Black Panthers ou, plus tard, les précarités provinciales et urbaines avec Les glaneurs et la glaneuse.

Ce documentaire, d’une grande espièglerie, parle avant l’heure de recyclage, et justement, la réalisatrice de Sans toit ni loi s’est évertuée à tenir le rôle de “passeuse”, et de réutiliser, réenchanter, (re)décrypter sa propre filmographie et celle de son mari Jacques Demy (Les demoiselles ont eu 25 ans) pour le transmettre aux nouvelles générations.

Constamment en prise avec la contemporanéité du monde, et ardente défenseuse des droits, elle croise ses films avec les préoccupations actuelles dans une confluence d’idées soulignant une modernité de tous les instants. “Viva Varda !” prolonge ainsi ce souci de le transmission rayonnante dans un parcours divisé en cinq étapes, et donne à voir un cinéma parfois fait de bric et de broc, avec de multiples objets totem (un blouson en cuir, des chats, une sculpture de Niki de Saint Phalle) comme autant de reliques à choyer.

Au départ, l’art de Varda a été de mettre en scène l’immuabilité avec son objectif, mais engoncée dans ce qui n’est pas mouvement vers l’avant, de la société changeante, elle a eu de cesse de fomenté son évasion des injonctions pour se mettre au diapason de la vitesse des schémas de pensée progressistes. Ce sont ainsi ses revendications féministes qui viennent clore l’exposition, se focalisant sur cette figure au départ marginale, mais qui a prodigieusement réussi à rassembler.

William Le Personnic


Photo de bandeau : © O. Gonord.
Photos du texte, dans l’ordre :
• Agnès Varda sur le tournage des Créatures (1965), par Marilù Parolini : © Ciné-Tamaris.
• Photo de l’exposition : © O. Gonord.
• Photogramme de Varda par Agnès (2018) : © Ciné-Tamaris.

À lire aussi :

- À propos de l’oncle d’Amérique d’Agnès Varda.

- Notre hommage à Agnès Varda en 2019.