News 10/02/2025

Une œuvre d’animation élue meilleur court métrage français de l’année par le Syndicat de la Critique

Figurant au sommaire du dernier numéro de Bref, Plus douce est la nuit vient de remporter le Prix du meilleur court métrage décerné par le SFCC. Sa réalisatrice Fabienne Wagenaar a répondu en exclusivité à quelques questions.

 
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Que ressentez-vous après l’attribution du Prix du meilleur court métrage de l’année par le SFCC à votre film Plus douce est la nuit ? Quelle valeur accordez-vous plus généralement à la reconnaissance critique envers votre travail ? 

Je suis évidemment très honorée, à la fois étonnée et heureuse, de ce prix. J’ai eu peu d’articles critiques jusque-là, car j’ai fait peu de films. Mais c’est vrai que les quelques-uns que j’ai pu lire m’ont intéressée, parce qu’ils posaient d’autres mots que les miens sur mon travail et révélaient les liens qui se tissaient à l’intérieur de mon film d’une manière différente, mais fidèle à ce que j’avais voulu exprimer. Comme des regards qui convergent.

Et quand les regards divergent, c’est à prendre aussi ! Parfois on sent que les gens s’intéressent vraiment à un sujet justement parce qu’ils sont précis dans leur critique : leurs questions sur le film en révèlent les angles morts. Ça peut être déstabilisant, mais en réalité, ça fait partie du même geste : on fait un film et le retour critique revient comme... le flux et le reflux sur la plage, pour rester dans l’ambiance du film !

Quel rôle a joué la dimension théorique des enseignements sur les arts et le cinéma au long de votre parcours d’étudiante, à l’école Estienne, aux Arts décoratifs de Strasbourg et à la Poudrière ?

Je crois que la dimension théorique des enseignements a joué un grand rôle. Ce qui a compté en premier, ce sont en réalité les cours de lettres au lycée ! On y étudiait comment les écrivain(e)s avaient agencé leurs mots, on retrouvait la trame cachée qui sous-tendait l’ensemble, on écoutaient les rouages et les échos qui étaient autant de preuves de cohérence du texte... On décortiquait une mécanique sensible. Et ce que nous ont poussé à faire toutes les écoles par la suite, c’est à devenir actifs en tant que spectateurs ou spectatrices qui, au cinéma, au musée ou dans la rue, décortiquent la mécanique sensible, ce qui est précieux.

Pourquoi avoir choisi de vous confronter à un sujet historique et une époque du passé ? Ce choix induisait-il une source possible d’écueils à éviter ?

Le sujet historique nous inscrit nécessairement dans son sillage ; une époque passée parle plus de nous qu’on ne le pense. Le mot “héritage” est compliqué, mais on peut parler d’“infusion”. L’Histoire et le passé infusent en nous, plus ou moins consciemment et différemment, selon le rôle que nos ancêtres ont joué à l’époque. L’Histoire de la période coloniale écrite par le colonisateur se heurte aux autres histoires, aux autres points de vue, et révèle qu’elle n’est qu’une construction. Il n’empêche qu’elle a eu tout le temps d’infuser dans nos imaginaires d’hommes et femmes d’aujourd’hui. Et ce ne sont que par des allers-retours entre présent et passé que l’on pourra relire l’histoire.

Les sources d’écueils sont partout dans ce film : colonisation, indépendance, homosexualité, religion… On est équilibriste sur un fil... et on s’emporte un peu dans les premiers films aussi, c’est vrai ! Mais ça dit quand même quelque chose de nous, de nos nœuds, nombreux, qu’on tente non pas de dénouer mais de desserrer un peu pour voir pourquoi et comment c’est fait.

Aviez-vous des références graphiques et/ou cinématographiques particulières sur ce film ? Si oui, lesquelles ?

Les murs de l’atelier étaient couverts de références de peintures impressionnistes et symbolistes de la fin du XIXe siècle (Bonnard, Munch, Sérusier, Vuillard…) ou contemporaines (Peter Doig). Des peintres pour lesquels le monde ne se réduit pas à sa réalité visible, mais peut être traduit par la sensation.

Mes références cinématographiques étaient davantage liées au sujet : Coup de torchon de Bertrand Tavernier (1981), Tabou de Miguel Gomes (2012), Inxeba de John Trengove (2017) (1)…

Quel regard portez-vous votre collaboration avec JPL Films ? Allez-vous la poursuivre sur d’autres projets communs ?

L’objet fini est resté fidèle au projet que j’avais au moment de ma rencontre avec JPL Films et je crois que c’est le signe d’une confiance mutuelle autour du projet. Le travail en équipe à Rennes, sur du temps long, a été possible jusqu’au bout, dans une ambiance d’atelier que j’affectionne particulièrement, et j’espère que d’autres projets pourront y trouver leur place.

Propos recueillis (par mail) par Christophe Chauville


(1) Film sud-africain intitulé Les initiés dans sa version française, sélectionné à Sundance en 2017.

Plus douce est la nuit a également fait l’objet d’une critique et d’un entretien avec Fabienne Wagenaar dans Bref 130, actuellement disponible (voir notre boutique en ligne).

À lire aussi :

- Le Prix SFCC 2024 du meilleur court métrage attribué à Mémoires du Bois, de Théo Vincent.