News 28/06/2022

Laetitia Dosch vue par ceux qui l’ont filmée

En complément au focus consacré sur Brefcinema à Laetitia Dosch cette semaine, nous avons demandé à des cinéastes l’ayant dirigée de nous parler d’elle et de leurs relations…

Gabriel Abrantes

Gabriel Abrantes a dirigé Laetitia Dosch dans Ennui ennui (2013, photo ci-dessous) et l’actrice a assuré la voix de narration de la version française de A Brief History of Princess X (2016).

Travailler avec Laetitia Dosch a été une expérience très formatrice. Avant Ennui ennui, j’avais réalisé quelques courts métrages en général avec des acteurs non-professionnels. Ennui ennui a été une des premières fois où je travaillais avec des acteurs professionnels, et j’ai décidé de faire une comédie, qui aurait été bien différente sans Laetitia. Son humour, son ironie, sa drôlerie, son sens de l’auto-dérision, ses mimiques enfantines et l’hilarité générale qu’elle provoque, tout cela mélangé à sa sensibilité et à son intelligence ont mené à la création d’un personnage qui est tellement plus que ce qu’il était sur papier. Une grande partie du film repose sur la performance de Laetitia. Travailler avec elle est un de mes plus beaux souvenirs, tout comme la chance de voir son incroyable travail dans d’autres films, tout comme sa pièce de théâtre qui révèle la beauté de son humour, tordu mais surtout profond.

(Texte traduit de l’anglais par Clémentine Chêne)

Alice Douard

Alice Douard a fait tourner Laetitia Dosch dans son film de la Fémis Extrasystole en 2013, puis tout récemment aux côtés de Clotilde Hesme dans L’attente, qui vient de recevoir le Prix du court métrage au Festival de Cabourg (photo de bandeau).

En 2012, alors que je préparais le tournage de mon film de fin d’études de la Fémis et que je peinais à trouver la comédienne, j’ai vu le court métrage de Justine Triet Vilaine fille mauvais garçon. J’ai été saisie par l’interprétation de Laetitia. Elle ne correspondait pas du tout au personnage que je cherchais mais je me souviens m’être dit : “Je veux travailler avec cette actrice…”. Elle a accepté de rejoindre la distribution et m’a impressionnée par sa précision. On pense beaucoup à la fantaisie quand on pense à Laetitia. Mais en réalité, elle peut tout jouer. C’est une actrice du texte et une actrice du corps. Elle se transforme très facilement. Elle propose jusqu’à être à l’endroit que cherche le réalisateur.

Depuis dix ans, nous sommes amies et collaboratrices. En 2021, Laetitia m’a suivie sur mon nouveau court métrage, L’attente, et s’est engagée pleinement avec moi sur ce projet. Elle y joue Jeanne, une femme enceinte la nuit de son accouchement et partage l’affiche avec Clotilde Hesme, qui joue sa compagne. Laetitia est allongée presque tout le film et a dû se réinventer dans l’immobilité. Elle a amené beaucoup d’humour au personnage, mais aussi de la profondeur. Le temps de l’accouchement, qu’on image être celui de la panique et de l’urgence, est en réalité un temps qui n’en finit plus. Dans mon film, le bébé met douze heures à naître, et les personnages ont le temps d’avoir peur, de douter, de rire, même de s’ennuyer. Laetitia traverse tous ces états, parfois à l’intérieur même d’une séquence.

C’est une grande actrice. Elle n’a pas fini d’être importante dans le cinéma français.

Hélèna Villovitch

Hélèna Villovitch, également écrivaine (dernier livre paru : Et si on mangeait les Legrand ?, éditions Les Petits matins, 2021), a réuni Laetitia Dosch et Thomas Scimeca dans son court métrage Le plus petit appartement de Paris en 2014 (photo ci-dessus).

Je l’appellais “La Dosch”. Faire un film avec Laetitia dedans, c’était pour moi le gros cadeau de 2014. D’abord, j’étais ultra-fan d’elle, géniale dans La bataille de Solférino de Justine Triet, et aussi on était très proches à ce moment-là. J’allais à chaque représentation de “Laetitia fait péter…“, son one woman show où elle se roulait par terre en chantant la chanson du fœtus. L’idée de la mettre en scène n’est venue qu’avec Le plus petit appartement de Paris, ce court métrage qui, en quelque sorte, serait une nouvelle supplémentaire au recueil que je venais de publier, L’immobilier (éditions Verticales).

Le thème, c’était le logement. Nous étions une toute petite équipe et tout le monde, de Javier, le chef op, à Carole, la monteuse, en passant par Valentine, la costumière, a participé à la fabrication du fameux décor, ce mini-appartement décoré en couleurs pastel. On l’a conçu dans la galerie de mes amis Serge et Kiko en collant du scotch par terre. On l’a construit pour Laetitia, en pensant à elle. Dans le film, elle dit : “Chacun devrait avoir le droit d’habiter un espace exactement à sa mesure.” Et à ce moment, elle se cogne la tête au plafond. C’est filmé en studio, en cinq journées où l’on a beaucoup travaillé et rigolé. Laetitia joue le rôle de Carla, une trentenaire qui n’a jamais eu une chambre à elle. Hélas, au moment où elle s’installe, un type arrive et c’est Thomas Scimeca, qui prétend que l’appartement est à lui. C’est la seule fois, je crois, où Laetitia et Thomas jouent ensemble dans un film. Ce sont tous les deux des génies.

Propos recueillis (par mail) par Christophe Chauville

À lire aussi :

- Anaïs Demoustier vue par ceux qui l’ont filmée.

Laure Calamy vue par celles qui l’ont filmée.