News 05/05/2023

Flambée de films sexpérimentaux à la Cinémathèque

Du 11 mai au 17 juin 2023, Nicole Brenez et Luc Vialle ont concocté, en 47 séances, une vaste rétrospective de films liés à la sexualité, en déclinaisons symboliques, historiques, érotiques, hétérosexuelles, LGBT, pornographiques, agrégeant 216 films de toutes périodes et de tous formats, sur une large échelle géographique.

La rétrospective parcourra tous les âges du 7e Art, du pré-cinéma de Georges Demenÿ (1894) – et du cinéma des premiers temps, avec The Kiss de William Heise (1896), considéré comme scandaleux à l’époque, et des films de Georges Méliès ou d’Alice Guy – aux productions de 2023, comme Fulmen (Othello Vilgard), Memory Slot-Track 1 (Yann Gonzalez et Alain Garcia Vergara), ces deux derniers en soirée d’ouverture, le 11 mai.

Une vingtaine de longs métrages signés, entre autres, Luis Buñuel, les frères Mitchell, Chantal Akerman, Eiichi Yamamoto, le situationniste René Viénet, Derek Jarman, Clarisse Hahn, Émilie Jouvet, Rosa von Praunheim seront également de la fête, dont le mythique Johnny Minotaur de Charles Henri Ford (1971, le 20 mai, photo ci-dessous), film culte et très rare qui prolonge l’héritage de Kenneth Anger et Jean Genet, également présents à travers leurs courts métrages Fireworks (1947) et Un chant d’amour (1950), le 13 mai.

L’underground occidental (surtout étas-unien) est particulièrement bien représenté. Car, si on identifie souvent le cinéma expérimental à une pratique visant à bouleverser les codes du langage cinématographiques en mettant la forme aux postes de commandement, comme le notait fort justement Dominique Noguez, il a également combattu les tabous liés à la représentation de la sexualité. Jonas Mekas fut emprisonné en 1964 pour avoir programmé Un chant d’amour et Flaming Creatures de Jack Smith (1963, à voir le 13 mai).

Les maîtres du New American Cinema sont présents : Flesh of Morning (Stan Brakhage, 1956), Cosmic Ray (Bruce Conner, 1962), mais c’est l’arrivée remarquée, alors, de réalisatrices qui accentue l’aspect festif et transgressif du cinéma underground, notamment avec Christmas on Earth de Barbara Rubin (1963), jeune cinéaste iconoclaste de dix-huit ans programmée le 13 mai avec Conner et Brakhage.

L’apport des femmes dans la représentation polymorphe de la sexualité est très bien représenté avec des films de Carolee Schneemann, Anita Thacher, Valie Export, Coni Beeson (séance monographique le 18 mai), Penelope Spheeris, Gunvor Nelson, Mako Idemitsu, Barbara Hammer (cinéaste dont la notoriété dépasse le cercle des initiés et qui bénéficiera d’une séance spéciale le 25 mai), Abigail Child ou encore Émilie Jouvet (photo ci-dessus : The Apple, 2008). Tout comme des cinéastes travaillant avec brio les rapports entre Éros et Thanatos : l’actionniste viennois Kurt Kren (le 13 mai) et l’Américain Richard Kern, dont les films décoiffent sévèrement (le 3 juin).

Les inclassables Jean-Pierre Bouyxou, Lionel Soukaz, Noël Godin, Michel Journiac, André Almuró, Roland Lethem, Alain Fleischer, Marion Scemama et les représentants du film de found footage contemporain Yves-Marie Mahé et Derek Woolfenden sont également de la partie.

Le panorama géographique est également conséquent : Fuck the Fascism : El cruce de dos mundos (Chili, 2020, soirée d’ouverture), Qaleh (Le quartier des femmes) (Kâmrân Shirdel, Iran, 1966-1980, 13 mai, photo ci-dessus), Infinity Girl (Aggy Read, Australie, 1968), Onanism (Nalini Malani, Inde, 1969), Dance (Georg Brintrup, R.F.A., 1969) et Birds (Frans Zwartjes, Pays-Bas, 1969) le 14 mai. La rétrospective se terminera le 17 juin avec le film thaïlandais Avalon (2020), une déconstruction des tabous de la sexualité en Thaïlande à travers une histoire passionnelle entre deux hommes.

L’un des principaux mérites de cette manifestation est de montrer tous les aspects de la sexualité envisagés par le cinéma indépendant : les cinéastes issus de la sphère expérimentale côtoient les artistes et activistes venant de la scène pornographique (de nombreuses séances sont déconseillées aux moins de dix-huit ans), voire des travailleurs ou travailleuses du sexe. L’expérimentation, ici, est envisagée à tous les niveaux : thèmes, formes, pratiques. Un événement qui fera certainement date.

Raphaël Bassan

Photo de bandeau : Je, tu, il, elle de Chantal Akerman (1975).

Les programmes de la partie 1 (jusqu’au 28 mai) et de la partie 2 (du 31 mai au 17 juin) du cycle “L’image des plaisirs” sont à consulter sur le site de la Cinémathèque française.

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