News 16/12/2021

Entretien : Kamal Lazraq, lauréat de la Fondation Gan

Comme chaque année, la Fondation Gan pour le cinéma remet cinq prix à la création à autant de cinéastes en train de développer leur premier ou second long métrage. Kamal Lazraq fait partie des heureux récipiendaires de la cuvée 2021.

Remarqué avec son film de fin d’études Drari, qui lui valut d’être primé à la Cinéfondation, à Cannes, et à Entrevues, à Belfort, en 2011, il a ensuite fait le tour du monde avec Moul lkelb (L’homme au chien) (2014, photos de bandeau et plus bas). Il nous en a dit un peu plus sur son fameux projet Les meutes, qu’il tournera à nouveau dans sa ville natale de Casablanca.

 

Vous venez tout juste de recevoir l’un des cinq prix de l’Aide à la Création 2021 de la Fondation Gan pour le cinéma, pour le projet de votre premier long métrage, Les meutes, toujours produit par votre fidèle partenaire Saïd Hamich, que vous avez rencontré sur les bancs de la Fémis. Le film a-t-il été facile à monter et à financer ?

Le film a demandé une assez longue période de développement. Nous avons pris le temps avec Saïd Hamich d’être pleinement convaincus par le cœur du scénario avant de débuter la phase de financement. Le projet a ensuite été plutôt bien accueilli. Il y avait de la curiosité et une sensibilité à notre ambition de nous inscrire dans un cinéma d’auteur populaire. Nous avons eu la chance d’être très vite accompagnés par un distributeur, Ad Vitam, et un vendeur, Charades. 

De nombreuse sources de financement ont été sollicitées, ce qui demande du temps et de la persévérance. Nous avons pu obtenir, en plus de l’Aide à la création de la Fondation Gan, le soutien du CNC avec l’Aide aux Cinémas du monde, du Fonds Wallonie-Bruxelles, du Doha Film Institute ou encore de l’OIF, et nous présentons très prochainement le projet à l’Avance sur recettes du Centre cinématographique marocain.

Les meutes est annoncé comme le prolongement de votre précédent court métrage Moul lkelb (L’homme au chien), quête dans les rues et les bas-fonds de Casablanca saluée dans de nombreux festivals. Qu’ont-ils en commun, et en quoi votre premier long s’en démarquera-t-il ?

J’avais envie de refaire un film qui se déroule en une nuit, du crépuscule à l’aube, et où l’on est embarqués avec les personnages de lieux en lieux, de rencontres en rencontres. On retrouve dans Les meutes l’urgence d’une quête désespérée, les déambulations dans les marges urbaines à la beauté rude, les personnages étranges qui semblent émerger de nulle part.

Nous allons de nouveau tourner avec des acteurs non professionnels, dans des décors naturels, en restant constamment à l’écoute de ce que nous offre l’énergie particulière de la ville. Le format du long permet bien sûr de développer les relations entre les personnages. Dans Les meutes, on suit un père et un fils qui, enfoncés dans une situation insoluble, vont éprouver la force de leurs liens. Il y a aussi une dimension plus existentielle avec ces hommes qui luttent, chacun à leur manière, contre un destin qui semble implacable. 



Le projet du film est également passé par le programme des rencontres professionnelles des Ateliers de l’Atlas, créés en marge du Festival de Marrakech. Comment le cinéma marocain se porte-t-il actuellement ? 

Aux côtés de réalisateurs confirmés comme Faouzi Bensaïdi ou Nabil Ayouch, dont le dernier film, Haut et fort, était en compétition officielle au Festival de Cannes, il y a aujourd’hui l’émergence d’une nouvelle génération, qui n’hésite pas à bousculer les codes, en tendant notamment vers le film de genre. Je pense à Sofia Alaoui, Ismaël El Iraki, Alaa Eddine Aljem, ou Yasmine Benkiran…

Nous avons la chance d’avoir des initiatives comme les Ateliers de l’Atlas, qui permettent d’attirer l’attention de partenaires internationaux et de donner de la visibilité aux projets marocains.  Malheureusement, le Maroc n’est pas épargné par les fermetures de salles et la désaffection du public. Beaucoup de films ont de belles carrières en festivals, mais sont peu vus par le spectateur marocain. Le vrai défi serait de réussir à concilier les deux. 

Votre promotion 2011 de la Fémis fête ses dix ans cette année, et compte dans ses rangs une belle brochette de talents, de Leyla Bouzid à Hubert Charuel, en passant par Thomas Cailley, Marie Madinier et Claude Le Pape. Quel regard portez-vous sur votre génération, remarquée dans le court comme dans le long métrage ?

Les quatre années passées à la Fémis ont créé des liens forts. Nous sommes nombreux à continuer à travailler ensemble. Nous avons des parcours et des envies de cinéma variés, mais je pense qu’il y a à chaque fois beaucoup de sincérité dans les démarches de chacun et chacune. C’est donc toujours réconfortant de voir les projets aboutir et toucher le public.

Propos recueillis par Olivier Pélisson

Portrait : © Lvonder Weid.

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