Festivals 10/02/2025

Trois brillants éclats du Fipadoc 2025

L’une de nos rédactrices était présente sur la 7e édition du Fipadoc, qui s’est déroulée à Biarritz entre le 24 janvier et le 1er février. Trois des œuvres primées ont particulièrement retenu son attention.

Le 1er février, le Fipadoc a tiré le rideau sur sa 7e édition, à Biarritz, après une semaine de projections réparties dans six lieux emblématiques de la ville. Ce grand rendez-vous annuel du documentaire a une nouvelle fois illustré la richesse et la diversité du cinéma du réel, avec une programmation éclectique allant du témoignage sociétal à l’investigation journalistique, en passant par des récits intimes, des films musicaux mais aussi des débats, conférences, masterclass.

Cette édition a notamment proposé un Focus Balkans, mettant à l’honneur des productions venues d’Albanie, de Grèce, de Slovénie, de Croatie et du Monténégro. Professionnels et passionnés se sont retrouvés sur la côte basque pour échanger, réseauter et faire émerger de nouveaux projets, témoignant de la vitalité de la création documentaire. Petit tour d’horizon autour des formats courts, dans une compétition réunissant 30 œuvres de moins de 20 minutes issues d’une vingtaine de pays. La jeune création n’était pas en reste, avec 27 films d’école en lice, témoignant de regards novateurs et d’une créativité en pleine effervescence.

Le jury a décerné le Prix du court métrage à Exit Through the Cuckoo’s Nest (Échappée belle) de Nikola Ilić (visuel ci-dessus), également en compétition Labo au Festival de Clermont-Ferrand cette année. Ce documentaire à la première personne raconte l’histoire d’un soldat qui qui n’a jamais voulu en être un. Son refus de porter les armes l’a mené à la résistance et, en dernier lieu, à la prison militaire.

Doté d’une matérialité particulière, le film s’appuie sur une mosaïque d’images d’archives : captations amateurs, vidéos de caméras de surveillance et autres fragments visuels que le réalisateur se réapproprie en les utilisant comme toile de fond pour narrer sa biographie de pacifiste enrôlé dans les guerres des Balkans dans les années 1990. À travers ce patchwork visuel, Nikola Ilić livre une réflexion urgente sur le pacifisme, les traumatismes de guerre et la survie, tout en combinant habilement une variété de techniques pour créer une forme visuelle hybride au service de l’histoire.

Parmi les 500 films reçus, 27 ont été sélectionnés pour la compétition Jeune création. Ces récits intimes ont été répartis en séances distinctes, chacune éditorialisée sous des titres évocateurs : “Tenir bon”, “Solitudes”, “Le fil des âges”, “Filmer le travail”, “Voisins voisines”, “Au-delà des limites”, “Terres ébranlées”... Une sélection pensée comme un kaléidoscope de regards singuliers sur le monde, révélant les préoccupations, résistances et questionnements des jeunes cinéastes.

Marion Czarny, programmatrice et responsable de la compétition Jeune création au Fipadoc, défend avec conviction la singularité des films sélectionnés. “Loin d’être des œuvres brouillonnes ou fragiles, ces créations témoignent d’une rencontre audacieuse entre formes et langages, avec une sincérité, une fougue et une authenticité remarquables.”, souligne-t-elle.

Le Prix Jeune création est revenu à Rebeka Bizubová, réalisatrice du film Confession (Slovaquie, photo ci-dessus). Ce documentaire explore le thème des violences sexuelles dans l’Église, que la réalisatrice a vécu personnellement. Elle revisite sa vie d’avant le traumatisme, s’interrogeant sur la possibilité de guérir avec le temps et sur la force nécessaire pour en parler à ses parents. 

À la fois narratrice et sujet central de son film, Rebeka Bizubová utilise sa caméra comme un outil de résilience. Son œuvre aborde des thèmes récurrents dans son travail : la famille, ses liens complexes, mais aussi son unité face à l’épreuve. Réalisé en 2024 dans le cadre de son film de maîtrise, Confession transcende le simple récit intime pour devenir une réflexion universelle sur le traumatisme et la quête de réappropriation de soi. Sans surenchère émotionnelle ni dramatisation, le film maintient une tension palpable, tout en restant d’une grande douceur. La réalisatrice, vulnérable mais déterminée, crée un dialogue saisissant dans lequel elle tente de reprendre le pouvoir et les mots qui lui ont été confisqués. Un film dans lequel l’urgence de raconter cette histoire est indéniable.

Récompensé par le Prix Tënk, le film français Pourvu que ça dure, réalisé par Louise Chauchat (photos de bandeau et ci-dessus), nous entraîne dans une enquête intime sur l’amour, menée à coups de messages vocaux, de textos, d’appels en direct et de confidences captées au plus près de son quotidien. Une dispute avec son petit ami devient le point de départ d’une remise en question sur les injonctions féministes, les modèles familiaux dépassés et la quête d’une nouvelle manière d’aimer. 

En caméra subjective, la réalisatrice nous embarque dans une narration bricolée, inventive et personnelle, où chaque fragment de vie – une conversation nocturne, une table de nuit, des courgettes à la poêle – devient matière à réflexion universelle. Le film brille par sa spontanéité et sa capacité à transformer une aventure intime en reflétant l’évolution de nos modèles amoureux et les dynamiques générationnelles qui façonnent nos histoires.

Léa Drevon

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