Festivals 17/05/2019

Semaine de la critique 2019 : place à la compétition !

À Cannes, la première séance compétitive de courts métrages se profile sur ce samedi 18 mai (à 14h15 et 20h à Miramar), tandis que la seconde sera pour le mardi 21, aux mêmes horaires. Petit tour d’horizon en amont.

La 58édition de la Semaine de la critique est aussi la 32e à présenter consécutivement une section dédiée au format court, depuis son lancement en 1988. Dix courts métrages composent le menu des réjouissances de la partie compétitive du millésime 2019, soumis au jury présidé par le cinéaste colombien Ciro Guerra et réunissant aussi Amira Casar, Marianne Slot, Djia Mambu et Jonas Carpignano. L’occasion, une nouvelle fois, d’opérer un véritable tour du monde, grâce à des points de vue éclatés et des durées diverses, de douze à trente-deux minutes.

Une constante domine dans cette configuration décimale : l’obstination humaine. Les cinéastes construisent leur mise en scène autour d’une ligne narrative qui se voudrait droite, mais qui rencontre, forcément, des accidents de parcours. De l’intervention du réel sur le chemin du fantasme. D’où qu’ils viennent, où qu’il se trouvent, quels que soient leur âge, leur genre et leur condition sociale, la quasi-totalité des protagonistes en jeu ont une idée fixe et persistent.

L’obsession physique ou amoureuse d’abord. Faire corps, se lier ou, au contraire, se séparer. L’ado de seize ans, costaricaine, de Lucia en el limbo de Valentina Maurel (photo de bandeau), est bien décidée à trouver un garçon pour perdre son pucelage. Le quinquagénaire norvégien de The Manila Lover, de Johanna Pyykkö (photo ci-dessous, à gauche), veut faire de celle avec qui il vient de passer des heures planantes, aux Philippines, la femme de sa vie. Mais celle-ci à d’autres cartes dans son jeu. La jeune femme de The Trap, de Nada Riyadh (photo ci-dessous, à droite), tente la séparation de l’homme avec qui elle n’est pas mariée, mais lui ne l’accepte pas et la confrontation est étouffante dans cette Égypte ostracisante.

 

 

 

 

 

 

 

Si elle n’est pas toujours liée au désir physique ou sentimental, la détermination mène aussi la danse (danoise) de Sans mauvaise intention d’Andrias Hogenni, où une jeune fille se fait confondre au supermarché par une amie, qui la suit pour savoir si et pourquoi elle l’a bloquée sur Facebook. L’issue en sera fatale. Mena, la jeune mère portugaise de Jour de fête de Sofia Bost, veut assurer une jolie fête pour les sept ans de sa fille, malgré le manque d’argent, d’aliments et… d’amour de ses parents à elle. Yu, la collégienne chinoise de She Runs de Qiu Yang (Palmé en 2017 pour son précédent court, A Gentle Night, photo ci-dessous, à gauche) fait tout pour quitter son équipe de gym rythmique, dont elle ne veut plus.

Les deux œuvres françaises livrent aussi l’idéal de personnages qui rêvent une existence où les contraintes sociales et communes ne l’emporteraient pas. Thomas, le musicien suisse-allemand de Journey Through a Body, de Camille Degeye (photo ci-dessous, à droite), veut continuer à faire, en France, sa musique dans son appartement et mener ses journées comme il l’entend, quoi qu’en pense l’Etat. Névine, la pionne du collège de Mardi de 8 à 18 de Cecilia de Arce, ne souhaite que le bien-être des élèves, et son laxisme altruiste la fait louvoyer avec les règles établies.

 

 

 

 

 

 

 

Quid du collectif dans cette galaxie de quêtes individuelles ? Le groupe assiste, incrédule, relâché, en vacances, à un feu voisin, dans les Community Gardens de Vitautas Katkus, sur fond de lien familial qui périclite entre un père et son fils. Quant aux six passagers du train roumain du Dernier voyage à la mer d’Adi Voicu, ils donnent à voir la disparité de l’altérité, quand la suspicion se balade au gré des regards et péripéties, sur fond aussi de flammes ravageant le paysage traversé.

Le constat n’est pas joyeux. L’espoir est ténu. Mais le cinéma est là. Par sa maîtrise de la mise en scène et la gestion de l’espace, il exprime sa force de regard sur les corps agités d’urgence. L’hôtel et le bureau de The Manila Lover, les appartements de The TrapJour de fête et Journey Through a Body, le supermarché de Sans mauvaise intention (photo ci-dessous), le collège de Mardi de 8 à 18, le gymnase de She Runs, le train du Dernier voyage à la mer ; ces espaces délimités contiennent les aspirations, et parfois les font exploser. L’extérieur, aussi vaste soit-il, enserre aussi les êtres sur leurs frustrations intimes, de l’urbanité de Lucia en el limbo à la nature de Community Gardens. Respirer malgré tout. Défi maximal, que la combinaison de ces dix aventures bigarrées interroge avec pertinence.

Olivier Pélisson

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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