Festivals 30/08/2017

Retrouvailles à Villeperdue

Vendredi Distribution se risque à nouveau, après le documentaire "Pas comme des loups" de Vincent Pouplard il y a quelques mois, à sortir un moyen métrage en salles : "Villeperdue" de Julien Gaspar-Oliveri, à découvrir dès cette semaine.

Villeperdue nous conforte dans la conviction qu’il vaut mieux, et de très loin, un moyen métrage que, beaucoup trop souvent, un long s’étirant exagérément alors qu’il aurait gagné de toute évidence à se voir condensé sur un format plus adapté. Ce film de cinquante-deux minutes signé Julien Gaspar-Oliveri, sous les auspices d’une coproduction entre Année zéro et P.A.S. Productions, frappe par sa remarquable gestion de la durée, se refusant à broder autour de certaines situations lorsque cela ne serait pas justifié (on pourrait en donner mille exemples). L’argument narratif du film est pourtant très simple, mais riche de promesses éminemment fortes : une mère reçoit pour un week-end durant lequel elle s’apprête à fêter son anniversaire ses deux grands enfants – un fils et une fille dans la vingtaine – un an après la disparition de leur père, période durant laquelle aucun des deux n’est plus revenu à Villeperdue (la toponymie est éloquente, correspondant à une commune qui pourrait se trouver n’importe où en France profonde, même si on entrevoit l'entrée de l'aéroport de Caen...).

L’ombre de l'absent, quoique jamais nommé, plane, d’autant que la mère a “retrouvé quelqu’un”, ce qui est prématuré, sinon inimaginable pour ses rejetons qui, en outre, vivent cet “après” comme ils peuvent, se comportant parfois de manière aussi borderline que leur génitrice et en entretenant un rapport complexe mêlant affection et hostilité ouverte. Julien Gaspar-Oliveri ne recule jamais devant l’explosion des tensions, les engueulades, les reproches vociférés, les gestes qui dépassent les pensées, quitte à assumer une hystérie récurrente qui finit pourtant par toucher au cœur : lorsque Sandrine et Vincent semblent dégoûtés par le prétendu laisser-aller physique de leur mère (“Tu devrais te laver les cheveux, maman”) ou quand la jeune fille lui lance qu’elle la déteste, c’est évidemment d’un cri d’amour contrarié dont il s’agit, impossible à faire sortir...

L’émotion s’attache à de petites touches parfois presque imperceptibles, telle cette tristesse cachée par Sandrine dans la voiture lors d’un départ en balade où l’on chante à tue-tête un vieux tube des années 1980 (Confidence pour confidence de l'impayable Jean Schultheis), permettant alors de deviner qu’un seul être manque, tandis que remontent de vieux souvenirs d’une enfance au sein de la famille alors unie...

Ce triangle familial en vrac bénéficie d’un casting parfaitement complémentaire, réunissant Carole Franck, Benjamin Siksou et Lucie Debay, une excellente jeune comédienne belge déjà appréciée notamment dans Melody de Bernard Bellefroid (2014) et Un Français de Diastème (2015). Les qualités de directeur d’acteurs de Julien Gaspar-Oliveri trouvent, si besoin est, une confirmation dans son court métrage Passe (2013), proposé en complément de programme et dans lequel Laure Calamy incarnait avec son habituelle fougue une prostituée débonnaire, emploi rappelant directement celui de La contre-allée de Cécile Ducrocq, également produit par Année zéro.

Christophe Chauville

Villeperdue est à l’affiche du MK2 Beaubourg et des Trois Luxembourg à Paris à partir de ce mercredi 30 août 2017.