Festivals 23/05/2017

Critiques en herbe au Festival de Clermont-Ferrand

Chaque année, plusieurs dizaines de scolaires présents au Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand se frottent au difficile exercice de la critique de films. Cette année, près de 1 000 textes ont été rédigés et 245 soumis au concours de la jeune critique. Nous publions ici les quatre textes lauréats retenus par les différents jurys.

Desert Bloom de Florian Kindlinger et Peter Kutin (2016, Autriche/USA, 13 min)

À Las Vegas, la nuit tombe, les néons s’allument et illuminent la ville de leurs scintillements de tubes fluorescents. Desert Bloom, film hybride entre film expérimental et documentaire, a cela de particulier qu’il a pour sujet ces néons, symboles ostentatoires, et caractéristiques, des lumières du désert du Nevada.

On aperçoit alors, à l’écran, une lente succession de tubes fluorescents, complètements coupés du reste du monde, à la réverbération électrique et aux grésillements sonores, qui nous plongent dans un hypnotisme fasciné, à mesure que l’obscurité gagne sur un paysage totalement effacé. Seuls sont visibles les néons, aux couleurs extrêmement fortes, essence même des nuits de Vegas. Un son grave et incessant accompagne cette vision léthargique, modulé parfois, mimant les grésillements sourds des luminaires et renforçant l’effet de transe dans laquelle on s’enfonce petit à petit, à mesure que le film se déroule.

En jouant sur les sous-expositions et surexpositions, ou en variant les vitesses, pour créer le mouvement, Florian Kindlinger et Peter Kutin proposent une vision abstraite et prenante de la vie nocturne de la ville, à travers un périple étrange et fascinant, semblable visuellement à l’œuvre ondulatoire de Rainer Kohlberger, Moon Blink (2015).

Critique de la société de consommation, à travers ces entêtants mélanges d’images aveuglantes et de sons stridents, ou simple évolution de regard par rapport à celle-ci, la vision de la société qui nous est proposée par ce court métrage est une vision, certes décalée, mais touchante. Une sensation, comme incompréhensible, de réalisme s’en dégage et fait de Desert Bloom un film marquant, plein de sincérité.

Alexandre Ngau
Grand prix Lycée Option Cinéma
1e S Lycée Blaise-Pascal - Clermont-Ferrand

 

Au loin Baltimore de Lola Quivoron (2016, 26 min)

Dès les premières minutes, le spectateur entre directement dans le monde d’Akro. Ce soir-là, en se promenant dans la cité, le moteur de sa moto lâche ; à ce moment-là sa vie et celle de son petit frère vont prendre un autre sens…

Akro, héros de Au loin Baltimore fait partie d’une bande, dans la cité où il vit ou survit. Loin des clichés sur la banlieue, il est un jeune homme tendre et sa moto est une sorte de métaphore pour s’échapper des préjugés sur les jeunes de banlieue. La caméra ne cesse de tourner en permanence autour du héros qui fait tout pour sauver sa moto… et sa liberté, son rêve d’ailleurs. Lola Quivoron filme au plus près la vie compliquée de certains jeunes de banlieue. La distance avec un père absent et malade, le manque d’attention et d’affection, ce court métrage les évoque. Et il a juste fallu le temps d’une soirée pour rendre ce parcours touchant, celui d’un grand frère qui devient le “père” de son petit frère.

Les dernières images nous font réfléchir sur le choix d’Akro qui emmène son petit frère avec lui faire un tour de moto avec sa bande. Comportement irresponsable et risqué ou plutôt le signe d’une vraie relation entre les deux garçons ? Tout simplement des images de bonheur. Ce petit garçon trouvera-t-il aussi une bande plus tard qui l’accueillera comme sa famille ?

Ce court métrage réaliste nous rappelle alors avec certitude qu’“on ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux” (Saint-Exupéry).

Anaïs Akamba
Grand prix Lycée d’enseignement général et technologique
Sde Lycée Saint-Jacques de Compostelle - Le Puy-en-Velay

 

Journal animé de Donato Sansone (2016, 4 min 20)

Le court métrage Journal animé de Donato Sansone est une improvisation artistique à partir de l’actualité nationale des pages du journal Libération ; il mêle animation et réalité. Ce journal retrace jour après jour les actualités entre le 15 septembre et le 15 novembre 2015 en créant une sorte de monde parallèle au nôtre.

Le réalisateur nous fait part de son analyse du sujet entre l’image et le document réel. Il décide de s'emparer des pages de Libération en “griffonnant” sur les actualités, ce qui donne immédiatement une vision réaliste tout en les détournant de leur sens initial.

Nous rentrons petit à petit dans le monde de ce journal : un monde visuellement touchant, qui nous ouvre une porte entre humour et peur. Ce parallèle nous met dans une position déstabilisante, car les actualités tombent au jour le jour sans transition. Nous passons de quelque chose de joyeux à, d’un coup, quelque chose qui émeut la France entière ! Le rythme soutenu ne nous laisse aucun répit, c’est encore plus bouleversant.

L'image la plus touchante est celle sur laquelle s’achève le court métrage : le 13 novembre 2015, la France est de nouveau touchée par des attentats. Toute l’horreur ressentie est symbolisée par une fleur décapitée.

Ce court métrage est touchant et poignant. Il nous confronte à des images dures qui malheureusement font notre actualité. Ce journal prône la liberté d'expression. Un parallèle subtil trouvé par le réalisateur nous fait comprendre que nous, lecteurs et spectateurs, devons veiller à maintenir cette liberté.

Chloé Domas
Grand prix Lycée d’enseignement professionnel et agricole
1ère S Lycée agricole et forestier Brioude-Bonnefont – Fontannes

 

Garden Party de Lucas Navarro, Florian Babikian, Vincent Bayoux, Victor Caire, Théophile Dufresne, Gabriel Grapperon (2016, 7 min 25)

Un court métrage plein de rebondissements, nageant entre les eaux du film d’animation et celles, en apparence, d’un film documentaire sur les batraciens. Voilà ce que nous proposent Lucas Navarro, Florian Babikian, Vincent Bayoux, Victor Caire, Théophile Dusfresne et Gabriel Grapperon, les six réalisateurs de Garden Party.

Écran noir. Soudain, une grenouille sort d’une mare. Blague, canular ? Réapparition de notre grenouille (!). Certes, mais dans une chambre luxueuse à la décoration baroque, parée de nombreuses dorures. L’intérêt s’accentue lorsque la mare du début se révèle être une magnifique piscine entourée de jets d’eau.

La visite de la demeure au désordre de plus en plus marquant, avance, au gré des (més)aventures des amphibiens. Le spectateur se surprend à sourire malgré un léger dégoût, grâce aux images de synthèse particulièrement réalistes. Parodiant une comédie romantique, dégustant du caviar dans la cuisine jonchée de détritus, ces animaux étonnants et/ou répugnants prolifèrent à l’écran autant que les questions dans nos têtes.

Emmêlé dans des sentiments paradoxaux, le spectateur tente, en vain, de deviner la chute, ingénieuse et réellement bien conduite. Grâce aux plans, qui se succèdent rapidement, au fil des découvertes des batraciens, les réalisateurs nous mènent au dénouement final avec habileté, explorant l’humour noir, un des thèmes du festival, cette année.

Grenouilles et crapauds en pleine garden party, musique et projecteurs allumés. Grenouilles et crapauds, centres et rois de cette villa dévastée grâce à d’astucieuses prises de vues en contre-plongée. Grenouilles et crapauds, en opposition extrême avec cette maison au luxe écrasant. Enfin, grenouilles et crapauds, humanisés… Est-ce un crime de l’avoir osé ?

Manon CHARRET
Grand prix Collège
3°C Collège Teilhard de Chardin - Chamalières

Tous le palmarès est disponible ici.