Vers des eaux sombres et profondes
Le singulier "Lac noir" de Jean-Baptiste Germain est en salles cette semaine, précédé du non moins atypique "Régicide”, du même réalisateur, qui est également co-président de l’Acid.
Lac noir interroge la frontière souvent énigmatique entre fiction et documentaire en suivant un trentenaire atteint d'une maladie incurable, Bruno, qui a pris le chemin d'un lac où il eut l'habitude de se rendre durant son enfance. Il rencontre sur sa route une fraîche jeune femme, Clémentine, qui décide de l'accompagner... Énoncer ce début d'intrigue est aussi vain que réducteur, l'extrême originalité de style et de narration de l'expérience ne permettant aucunement de répondre avec certitude aux questions que la démarche veut inspirer : le dit Bruno Dauphin n'est pas acteur, mais joue un rôle ; certains dialogues semblent complètement improvisés ; tel individu croisé est potentiellement “réel”... Et ainsi de suite. La notion de croyance est de façon avouée au cœur du projet, à la fois en question posée au personnage et au spectateur, ce qui amène le réalisateur à jouer pleinement de ses possibles déploiements, au cœur des beaux paysages sauvages de sa Drôme natale...
Proposé en complément de programme de ce court long d'une durée de 1h06, un moyen métrage très récent, Le régicide (2017, 37 minutes), brouille à son tour les pistes du réel, mettant en scène le réalisateur lui-même, qui est identifié comme tel, aux côtés d'un frère “crédible”, en réalité joué par un autre cinéaste, Régis Sauder, et d'une “famille d'écran” où l'on retrouve aussi, entre autres, Émilie Brisavoine – réalisatrice et actrice de Peine perdue d'Arthur Harari (notamment) – et la chanteuse Desireless, pour qui se souviendrait de la variétoche des années 1980 (le film commence d'ailleurs sur les notes du très oublié slow Lover Why de Century...). Un beau noir et blanc sert d'écrin, comme pour Lac noir, à cette curieuse et stimulante proposition de cinéma qui ne manque ni d'humour ni de pertinence sur la peinture de la complexité des liens familiaux, entre jalousie(s) et tendresse sporadique.
C'est La Vingt-cinquième heure, société de production et de distribution installée par vocation sur le territoire d'une certaine marge (et géographiquement à Commune Images, à saint-Ouen), qui assure la diffusion de ce programme assez insaisissable, visible depuis le mercredi 20 décembre à L'Archipel et à L'Entrepôt à Paris.
Christophe Chauville