En salles 15/04/2019

Une “Époque” formidable...

“L’époque” de Matthieu Bareyre, visible au cinéma à partir du 17 avril, devrait occuper une bonne place au sein des documentaires les plus marquants de l’année en cours.

Il n’est pas si fréquent de suivre un passage du court au long aussi direct dans le cinéma documentaire... Ou plutôt du moyen métrage au long en ce qui concerne Matthieu Bareye, puisque Nocturnes, sélectionné et récompensé au festival Cinéma du réel en 2015, avait une durée de 48 minutes.

Son sujet donnait avant tout au spectateur l’occasion de faire une vraie découverte, celle des courses nocturnes à l’hippodrome d’Auteuil, déserté des foules qu’on s’attend à y trouver et se concentrant sur les oiseaux de nuit évoluant là, dans des salles vides, moins nombreux que les écrans où ils suivent fébrilement les épreuves sur lesquelles ils ont parié. Une micro société ayant choisi ce cadre de vie, à rebours des habitudes les plus partagées, et que le réalisateur suit avec une fascination aisément transmise. De véritables addictions, peu à peu, se révèlent, entre des accès de fureur et d’énergie tranchant avec le calme régnant dans cet endroit en marge, une fois plongé dans l’ambiance cotonneuse de la nuit.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec L’époque, présenté à Locarno et à Angers, l’ambition a monté d’un cran, sinon de plusieurs, mais les qualités de réalisation – et de montage – déjà relevées se confirment. Cette fois, Matthieu Bareyre a filmé d’autres jeunes gens, à travers Paris et restant eux aussi éveillés alors que tout le monde dort. Le portrait de cette génération est aussi celui de la ville, à une époque émotionnellement chargée, depuis l’après-janvier 2015 – et les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes – jusqu’à l’élection présidentielle de mai 2017. Il y a la fête, la danse, les rires, mais aussi la révolte (on voit beaucoup de manifs, de CRS et de lacrymos), les espoirs battus en brèche et, bien sûr, la tristesse (avec ce 13 novembre gravé au fer rouge dans chacun de nos cœurs).

Intituler ainsi son film, de façon programmatique, ne manque pas d’audace et le jeune réalisateur relève assez crânement le défi. Et sur le mode du collage, sa proposition surclasse de très loin, sur un motif proche, l’essai “netflixesque” Paris est à nous d'Élisabeth Vogler.

Christophe Chauville