En salles 30/01/2020

Un retour aux sources, une énigme littéraire et un fantôme du passé

Plusieurs longs métrages en salles actuellement trouvent une résonance du côté du court et de la programmation de notre plateforme.

Cette fin janvier voit plusieurs des sorties du mercredi strouver écho dans notre offre éditoriale et il convient de s'y attarder un peu. Jessica Palud, tout d'abord, signe avec Revenir (photo de bandeau) son premier long métrage dans des conditions de production professionnelle, librement adapté d'un roman de Serge Joncour – paru en 2012 et intitulé L'amour sans le faire – où elle confirme ce talent de mise en scène établi par le multi-primé Marlon, à nouveau accessible pour l'occasion à nos abonnés.

Après le portrait d'une adolescente introvertie et mutique rendant pour la première fois visite à sa mère incarcérée, la jeune cinéaste a planté sa caméra dans un coin rural de la Drôme inondé de soleil, où un jeune homme, Thomas, revient dans la ferme familiale et y retrouve son père, qui ne lui parle plus depuis la “trahison” de son départ au Canada, et la jeune épouse de son frère récemment disparu, mère d'un petit garçon qu'il devra apprendre à connaître. Le drame intimiste est d'une constante intensité, les reproches, rancœurs ou désirs étant toujours près d'exploser. Et la gestion des non-dits et des sentiments pudiquement cachés est envisagée avec une belle pudeur par celle qui avait auparavant tourné un autre court métrage, moins connu que Marlon, à savoir Poupée en 2016. Resserré sur une durée d'une heure quinze, Revenir a reçu le Prix du scénario à la Mostra de Venise, au sein de la section Orizzonti, en 2019. Nous renvoyons à ce sujet à l'entretien vidéo que nous avons spécialement réalisé avec Jessica Palud en amont de la sortie du film.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Également à l'affiche à partir du 29 janvier, Les traducteurs de Régis Roinsard permet au réalisateur de changer assez nettement de registre par rapport à son premier long métrage, Populaire, qui date déjà de 2012. Cette fois, il lorgne sur la grande tradition du thriller en huis clos, d'après une intrigue enracinée dans le milieu de l'édition : des pages d'un best-seller mondial très attendu fuitent sur le Net et le ou la coupable figure forcément parmi une team de traducteurs européens chargés des diverses versions étrangères avant le grand lancement du lucratif volume. La mécanique bien huilée du scénario permet au rééalisateur de démontrer un savoir-faire dans le genre, avec lequel sa période “courts métrages”, à la fin des années 1990 et le début de la décennie suivante, n'a finalement pas grand-chose à voir, que ce soit à travers la comédie familiale mélancolique Madame Dron (1997) ou le moyen métrage Simon (2001), porté par un jeune protagoniste handicapé.

 

 

 

 

 

 

 

 


Le film de genre, le cinéaste d'origine guatémaltèque Jayro Bustamante l'envisage lui aussi, mais de manière très singulière et proposant avec La Llorona une pénétrante fable sur l'histoire politique récente de son pays, où la dictature et les forfaits de ses dirigeants appellent une forme de vengeance inattendue, au-delà des frontières du fantastique. Le court métrage Cuando sea grande, coproduit par Takami Films en 2011, esquissait déjà un regard politique détourné à travers la relation de deux fillettes de classes sociales différentes, dont l'amitié ne correspondait pas exactement à ce que les apparences pouvaient laisser croire. Avec La Llorona, le cinéaste enracine l'importance de son œuvre, après deux autres longs métrages de puis 2015 : Ixcanul et Tremblements.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


À l'affiche également en ce moment, le tendu et captivant K contraire de Sarah Marx, distribué le 22 janvier dernier par l'hyperactive société Les Valseurs (par ailleurs productrice du déjà célèbre Nefta Football Club d'Yves Piat), suit l'itinéraire chaotique d'un touchant jeune homme sortant de prison et s'acharnant à s'en sortir par tous les moyens, entre une mère dépressive et fragile, une “ex” magnanime et un partenaire de projet professionnel assez peu fiable (joué par Alexis Manenti, interprète et coscénariste des Misérables de Ladj Ly). Sarah Marx avait signé un court déjà en lien avec le motif de la délinquance juvénile, Fatum, en 2012, et nous suivrons dès lors avec grand intérêt la suite de son parcours.

Christophe Chauville

À voir : 

- Un entretien vidéo avec Alexis Manenti, Djebril Zonga et Damien Bonnard autour des Misérables

À lire aussi : 

- Un premier long métrage à sortir le 5 février 2020 : La dernière vie de Simon de Léo Karmann.