“Sofia” de Meryem Benm’Barek : une nuit à Casablanca
Présenté en mai dernier à Cannes dans le cadre de la section “Un certain regard”, ce premier long métrage fort et émouvant est à découvrir cette semaine.
Auréolé de son Prix du scénario à “Un certain regard” à Cannes, Sofia vient réaffirmer l'émergence d'une prometteuse génération de jeunes réalisatrices trentenaires et originaires du Maghreb – citons, parmi d'autres, Leyla Bouzid (À peine j'ouvre les yeux) pour la Tunisie et Sofia Djama (Les bienheureux) pour l'Algérie. Pour sa part, Meryem Benm'Barek est passée par l'Insas, à Bruxelles, et a donc signé au préalable plusieurs courts métrages, notamment Nor en 2013 et Jennah en 2014. Ce dernier aura été vu dans le monde entier, recevant le Grand prix au festivals de Rhode Island et Atlanta, lançant la native de Rabat sur les bons rails d'un premier long produit entre Maroc, France et Qatar, et filmé à Casablanca, dont le spectateur occidental découvre les différents quartiers et les (béantes) disparités sociales. L'héroïne – incarnée par une débutante très convaincante, Maha Alemi – a caché sa grossesse, même à sa famille, ce qui a sans doute pu être possible comme elle est un peu boulotte, mais ressent des maux de ventre lors d'un dîner et confie à sa cousine qu'elle va accoucher...
Une nuit de tous les dangers alors s'ouvre pour celle qui, sous le régime de Mohammed VI, risque la prison si le père de l'enfant à naître, qu'il faut retrouver, ne reconnaît pas cet enfant né furtivement, quasi clandestinement, lors d'un passage éclair à l'hôpital. L'After Hours de Martin Scorsese rencontre le Deux jours, une nuit des frères Dardenne, et la chronique sociale ne sombre jamais dans le misérabilisme et met en scène, en seulement une heure vingt, des personnages beaucoup plus complexes que l'articulation initiale de l'histoire ne semblait le promettre. Parmi eux, on retrouve toujours avec le même plaisir Faouzi Bensaïdi, qui incarne le père de Sofia et que l'on retrouvera prochainement comme réalisateur avec Volubilis, qui sortira le 19 septembre, et donc sur Brefcinema...
Christophe Chauville