Mehdi Fikri : l’incandescence du court au long
Avant que les flammes ne s’éteignent arrive dans les salles cette semaine. Avec Camélia Jordana en tête de distribution, ce premier long métrage signé Mehdi Fikri est une réussite, sur un sujet d’une actualité brûlante envisagé avec la nuance nécessaire.
Pour son premier long métrage, Mehdi Fikri s’est confronté à un type de fiction collant au très près au réel, puisqu’il est question dans Avant que les flammes ne s’éteignent d’une bavure policière ayant entraîné la mort d’un jeune homme, engageant sa famille, au-delà du chagrin, dans la recherche de la vérité. Toute ressemblance avec des faits et personnages réels n’est pas fortuite, de l’affaire Adama Traoré à celle, plus récente, liée au jeune Nahel à Nanterre – et le film intègre même, en conclusion, des images d’archives de toutes les manifestations engendrées au fil des années par de tels drames, ce qui saisit véritablement de vertige et montre, par le cumul, le problème existant toujours à cet égard en cette République.
Difficile de mener une telle narration sans prendre parti et sans développer un discours à charge, mais le réalisateur parvient à une certaine mesure, même si certains observateurs ont pu relever par exemple le choix de ne porter aucun regard critique sur les émeutes urbaines déclenchées par de tels épisodes et nuisant avant tout aux habitants des lieux. Mais le combat de la famille, menée par Malika/Camélia Jordana en grande sœur blessée (et hantée de surcroît par une certaine culpabilité), est restitué avec force et conviction, détaillant les enjeux judiciaires ou médiatiques de façon minutieuse, tout en restituant assez finement, notamment par l’intermédiaire d’un personnage d’“ancien” savoureusement joué par Samir Gesmi, l’essence des représentations des habitants des quartiers. Sur leur sort, souvent celui de l’abandon, depuis des décennies et cette lointaine marche anti-raciste des années “Touche pas à mon pote”.
Les excès de “zèle” de la police se trouvaient déjà au cœur des dix minutes du court métrage Descente, déjà produit par Topshot Films en 2021, qui replongeait dans la période d’État d’urgence décrétée suite aux terribles attentats terroristes de novembre 2015, permettant des perquisitions presque sauvages de la part des forces de l’ordre. Une fonctionnaire incarnée par Jeanne Rosa prenait ainsi conscience, en pleine action, de l’entorse ainsi effectuée par rapports aux règles de l’État de droit. Le mot d’ordre/syndrome ACAB n’imprègne donc pas complètement l’approche…
Autre radioscopie avec 2 minutes 30, trois ans auparavant : celle des médias rendant compte des conflits ébranlant ce monde n’en manquant jamais, à travers l’aventure d’une reporter de guerre débutante présente à Homs, en Syrie, en 2011. La veille de Noël, elle se laisse tenter par la proposition d’un suiveur pour, peut-être, accéder au scoop qui fera décoller sa carrière et règlera ses soucis pécuniaires… Cette production des Films Velvet interrogeait ce métier difficile autant que dangereux, en évoquant au passage le système D coutumier à ces outsiders de l’info et un possible truquage des images qui s’est malheureusement démultiplié depuis, en même temps que les théories complotistes les plus fumeuses et l’instauration des “vérités alternatives” à tout bout de champ.
De la Nour de 2 minutes 30 (incarnée par l’excellente Lina El Arabi, revue notamment dans Les meilleures de Marion Desseigne-Ravel, en 2022) à la très dure et raide Malika de ce premier long, le cinéaste met en scène des figures féminines tutoyant volontiers une forme d’héroïsme, et c’est un choix à saluer en soi. Leur flamme sera peut-être celle qui fera bouger le système jusque dans ses impasses, si toutefois un soupçon d’espoir est encore permis.
À lire aussi :
- Stéphan Castang du court au long : Vincent doit mourir, autre sortie de la semaine.
- Lina El Arabi dans Les merveilles de Marion Desseigne-Ravel.