En salles 12/05/2019

“Matar a Jesús”, de Laura Mora : la vengeance aux deux visages

Sorti (trop discrètement) cette semaine, ce film colombien est à saluer, fort et nuancé à la fois.

Quand Lita, jeune étudiante bien installée dans sa vie, voit son père, professeur à l'université de Medellin, être abattu en plein jour et dans la rue, sous ses yeux, elle fait d'abord confiance aux enquêteurs. Et puis, très vite, vu la lenteur de fonctionnaires éminemment corrompus, elle décide de retrouver le jeune “sicario” coupable du meurtre, dont l'image s'est imprimée à jamais sur sa rétine, et d'entrer dans son intimité, afin de susciter sa confiance et arriver jusqu'à sa propre vengeance, légitime de son point de vue. L'est-elle aussi de celui du spectateur ?

C'est tout l'enjeu de la narration de la réalisatrice Laura Mora, qui déroule ainsi le fil de sa tragique histoire, immensément traumatique, que la transposition au cinéma permet aussi de panser, d'en explorer les méandres intérieurs, mais aussi politiques ou philosophiques. Lita prendra-t-elle à son tour, comme elle le prévoit, la vie de ce Jesús ironiquement prénommé et dont elle découvre la réalité de la vie dans les favelas ? Aussi nerveux qu'intelligent, interprété par de jeunes non-professionnels épatants, en tête desquels la jeune Natasha Jaramillo, Matar a Jesús est un nouveau regard porté sur la société d'un pays à la violence toujours sous-jacente et qui éclate immanquablement, sans prévenir, comme un avant-goût de l'enfer avec lequel il faut pourtant composer au quotidien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Présenté à Toronto, à San Sebastian, à Cinélatino/Toulouse et dans une multitude de festivals internationaux, ce film n'est pas un premier long métrage – la réalisatrice ayant signé le thriller Antes del fuego en 2015 – et impose un nouveau nom à suivre au sein de la nouvelle génération colombienne, celui de Laura Mora, révélée il y a une dizaine d'années avec le court métrage d'école Brotherhood (2008), en coproduction avec l'Australie, là-même où la jeune femme était partie étudier après le meurtre de son père.

Le film est visible depuis mercredi dernier dans une dizaine de salles en France dont, à Paris, le Lucernaire et le Publicis Cinéma, c'est peu et il est d'autant plus nécessaire de ne pas le rater et de le conseiller vivement. 

Christophe Chauville

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