En salles 11/06/2020

Les garçons sauvages de Frédéric Carpentier

Dès le 22 juin, les cinémas ouvriront à nouveau leurs portes avec, côté français, “Jeunesse sauvage”, le premier long métrage de Frédéric Carpentier, qui vient couronner un parcours artistique cohérent ayant débuté à la fin des années 1990. 

Il restera que l’un des tout premiers nouveaux films français de l’après-déconfinement aura été Jeunesse sauvage, nerveuse chronique d’une bande de petits voyous dans une ville portuaire (Sète, en l’occurrence, chère tant à Varda qu’à Kechiche). Resserrée sur une durée d’une heure vingt, elle met en scène une troupe de jeunes interprètes convaincants, dans le sillage de Pablo Cobo, vu dans After School Knife Fight du duo Poggi/Vinel. Son personnage de Raphaël – un prénom d’archange… – traverse le film avec une grâce vénéneuse évoquant toute une tradition de héros du cinéma mondial et renvoie aussi à un patrimoine national bien précis, celui des mythes du réalisme poétique où Gabin expirait derrière les grilles du port d’Alger en voyant s’éloigner le paquebot qui devait l’emmener vers une nouvelle vie… On ne s’étonne pas non plus de se souvenir que le réalisateur participa aussi, il y a deux décennies, à l’écriture de La vie rêvée des anges d’Érick Zonca (1998), un modèle de récit à résonances sociales et au dénouement implacablement dénué d’espoir…

Ce premier long métrage s’inscrit pour le réalisateur quinquagénaire comme un aboutissement tardif, quoiqu’un téléfilm réalisé pour Arte en 2005, Les vagues, pourrait fort bien être considéré comme son véritable premier long, qui se déroulait dans les milieux du surf sur la côte du sud-ouest atlantique, incluant des images documentaires de cette discipline alors assez inédites.

Le parcours de Frédéric Carpentier s’articule aussi autour de plusieurs courts métrages souvent remarqués en leur temps, notamment Coupures, dès 1999 (il fut sélectionné alors à Clermont-Ferrand et à Vendôme), et L’attraction terrestre, en 2004. Deux films délicats sur le thème de l’enfance blessée, dans un cadre social précisément désigné, plutôt modeste, sinon démuni, avec plusieurs motifs qui resurgissent fortement à la faveur de Jeunesse sauvage, tel celui du deuil, trop grand à affronter pour un fils, ou une mâle rivalité se réglant d'un coup de couteau lourd de conséquences…

Avec À cheval dans une maison vide, en 2013 (photo ci-dessus), Carpentier livrait une fiction solidement écrite mettant face à face un fonctionnaire de l’institution judiciaire et un jeune des cités destiné à être placé dans une exploitation agricole de montagne. Un tropisme pour celui qui débuta en assurant des ateliers de réalisation dans des quartiers dits difficiles et qui excelle à détourner les clichés sur cette “jeunesse sauvage” plus complexe et attachante que la (mauvaise) presse des faits divers l’a toujours établi. Et cette bande de chiens fous autour de Raphaël trouvent un reflet – inversé – dans l’image de ces chevaux évoluant en liberté dans les forêts enneigées à la fin du dernier court métrage évoqué. Il y a là une belle cohérence de trajectoire, en vérité…

Christophe Chauville


Filmographie courts métrages de Frédéric Carpentier


Coupures (1999, 30 min)
L’attraction terrestre (2004, 17 min)
À cheval dans une maison vide (2013, 26 min)

 

À lire aussi :

- Notre critique d'After School Knife Fight de Caroline Poggi et Jonathan Vinel.