En salles 23/05/2018

Le ciel étoilé au-dessus de ma tête

1h17 seulement, mais à savourer pleinement cette semaine, à travers le premier long métrage en solo d’Ilan Klipper, que l’on complètera en revoyant – ou découvrant – sur notre site le court métrage “Juke-box”, du même et avec l’incomparable Christophe.

Le ciel étoilé au-dessus de ma tête se fraie un chemin vers les salles un an exactement après sa présentation à Cannes, au sein de la sélection de l’Acid – il aura été vu, depuis, à Belfort, Cabourg, Angoulême ou encore Les Arcs – et il est particulièrement indiqué de voir ou revoir dans le même temps le court métrage Juke-box, du même Ilan Klipper, qui entretient des parentés évidentes avec ce film singulier et imprévisible (qui n’est pas le premier long de celui qui avait coréalisé, avec Virgil Vernier, Commissariat en 2008).

Son titre même pourrait caractériser le personnage principal de Juke-box, plutôt “perché” et demeurant reclus dans son appartement, tandis qu'une bienveillante voisine fait ce qu’elle peut pour lui éviter de sombrer complètement dans la folie. Le tropisme du dérèglement psychique affleure à nouveau à travers le Bruno du Ciel étoilé... Ancien jeune prodige de la littérature, qualifié lors de la sortie de son premier roman de John Fante français, celui-ci est vingt ans après au bord du gouffre, enfermé chez lui en caleçon, n’écrivant plus et n’ayant pas la moindre conscience de l’internement en établissement spécialisé qui le guette. On ne peut qu’établir un parallèle entre la visite qu’il reçoit, celle d’une psychiatre accompagnant les parents inquiets du quinquagénaire, et la venue, dans Juke-box, d’une autre “docteur Andreux” (jouée par Maryline Canto, avant Camille Chamoux cette fois) suivant le musicien borderline Daniel Berthon, campé dans une troublante mise en abyme par un fantomatique, hagard et grisonnant Christophe – portant donc son vrai prénom dans la fiction.

Ilan Klipper avait préparé un tel terrain en consacrant en 2010 un documentaire pour Arte, intitulé Sainte-Anne, à ces visites de psys aux domiciles de patients sortis de l’HP et vite regagnés par leurs démons... Mais la manière d’appréhender le huis-clos est plutôt tournée vers la poésie – voir l’instant magique de ce plan de trois minutes, à la fin de Juke-box, où Berthon cherche en tâtonnant, grâce à la musique, à retrouver la lumière – ou l’humour, qui jalonne au gré de fulgurants dialogues Le ciel étoilé... et la burlesque agitation de son protagoniste, où l'injustement méconnu Laurent Poitrenaux se délecte d’un registre d’histrion.

De fait, on s’attache petit à petit à l’hurluberlu et c’est tout le tact de l’écriture et de la mise en scène de Klipper, qui ne surplombe jamais ceux qu’il filme, tenant à demeurer à leurs côtés, épaule contre épaule... même quand un drôle d’oiseau y est posé !

Christophe Chauville


Filmographie courts métrages d'Ilan Klipper

Collaboration à la réalisation de Pandore de Virgil Vernier (2010, 36 min)
Juke-box (2013, 23 min)