En salles 13/03/2020

“Femmes d’Argentine” de Juan Solanas, une œuvre vibrante et salutaire

Sorti cette semaine, le dernier film de Juan Solanas, qui se confronte pour la première fois au registre documentaire en solo, est à voir absolument, même en plein cœur d’un contexte aussi morose.

Évidemment, quand on pense au cinéma argentin et plu spécialement au documentaire, le nom de Fernando Solanas vient en tête assez vite. Celui de son fils Juan s'y associe désormais, et avec éclat, son documentaire Femmes d'Argentine / Que sea ley, distribué au cinéma depuis le 11 mars par Destiny Films, s'enracinant dans cette belle tradition militante et insoumise insufflée par l'auteur de Mémoire d'un saccage (entre beaucoup d'autres). Pour l'occasion, les cinéphiles, notamment ceux qui suivent aussi ce qui se fait dans le secteur du court métrage, se félicitent de retrouver l'auteur du fameux film d'animation L'homme sans tête, passé par tous les festivals, ou presque, en 2003-2004 et que nous avons naturellement eu le désir de remettre en avant en parallèle sur Brefcinema.

Depuis ce “hit” césarisé en 2004, on avait parfois un peu perdu de vue l'itinéraire contrasté (un long métrage en Amérique du Sud avec Carole Bouquet, un autre sur un terrain de science-fcition avec Kirsten Dunst) de ce cinéaste sacrément doué et la force de ce film documentaire engagé n'en résonne que davantage. Sa caméra nous immerge dans le contexte de l'imminence du vote au Sénat argentin d'un projet de loi pour la légalisation de l'IVG, avec de massives manifestations permanentes dans les rues de Buenos Aires et des débats de société partout dans le pays, sur les chaînes de télévision, au sein des familles, etc. Le réalisateur donne ainsi la parole à des femmes de tous âges et de tous horizons – et pas seulement des militantes féministes des années 1970-80, loin de là – tout en évoquant le drame récurrent, ayant conduit à la mort, de ces avortements clandestins, pratiqués dans des conditions déplorables pour toute une frange de la population la plus défavorisée. Un certain crescendo émotionnel est traduit par la narration et la mise en scène, au fur et à mesure où l'on se rapproche de l'instant du vote, et ce n'est pas spoiler l'enjeu de l'entreprise dans son ensemble que de rappeler que le projet a été finalement retoqué par les parlementaires et que la lutte de ces magnifiques femmes d'Argentine continue, ce dont il faut témoigner inlassablement. Juan Solanas l'a fait, et très bien. Que sea ley !

Christophe Chauville
 

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