En salles 09/10/2018

“Dilili à Paris” : Ocelot est de retour !

Chaque nouveau film de Michel Ocelot est un événement. Débarquant le 10 octobre, “Dilili à Paris” ne déroge pas à la règle et nous a complètement ravis. Pour la peine, trois courts métrages du maître, comme autant de petites perles, seront à admirer prochainement sur notre site.

Six ans après le lancement du projet, Dilili à Paris parvient sur les écrans, selon un délai de développement des plus normaux pour un long métrage d’animation, qui plus est aussi ambitieux... Étant l’une des figures de proue incontestées du secteur en France, surtout depuis la sortie de Kirikou et la sorcière il y a vingt ans (avec, pour l’occasion, une réédition du film en version restaurée le 26 décembre prochain), Michel Ocelot semble pourtant attendu à chaque nouvelle œuvre, ne bénéficiant pas d’un quelconque blanc-seing de la part de la critique ou de la profession. Ce qui prouve que sa personnalité, avec cette intacte liberté de création et d’expression, n’est pas aussi consensuelle qu’on pourrait le penser.

C’était le cas à ses débuts, au fil de certains films d’inspiration revendicative, féministe (voir Les filles de l’égalité), volontiers grivoise (Les 4 vœux), ou même parfois brutale, où des voix gutturales se faisaient même effrayantes, comme ces foules déchaînant leur sauvagerie dans La légende du pauvre bossu ou Les 3 inventeurs. La saga des “princes et princesses” en formes noires découpées délicatement sur des fonds merveilleusement lumineux a contrebalancé cette première inspiration, installant leur créateur dans une splendeur visuelle de dentelles et de joyaux, de danses et de grâce. Mais les deux directions cohabitent dans son esprit et dans sa démarche, ce que Dilili à Paris synthétise aujourd’hui idéalement.
Dans les pas d’une débrouillarde petite métisse arrivée à Paris depuis la Nouvelle-Calédonie (ou plutôt la “Kanakie” !) au moment d’une exposition coloniale de la Belle-époque, ce conteur hors pair nous entraîne dans une aventure haletante, digne des romans-feuilletons de la fin du XIXe siècle, avec frissons et mystères à la clé.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

Surtout, le cadre, restitué via des photographies – une première chez Ocelot –, rend pleinement hommage à l'opulente beauté de la capitale, tout en ressuscitant ses faubourgs populaires déshérités. Il permet aussi de croiser, en une éblouissante galerie de portraits, tout le gratin intellectuel, artistique et savant de l’époque. C’est à nouveau un enchantement et les inlassables engagements du créateur en faveur de la culture, la tolérance envers l’Autre ou l’égalité des sexes affleurent de nouveau, fût-ce sur une tonalité scénaristique délibérément brusque, à travers cette secte des “mâles-maîtres” qui risque, à l’ère de #MeToo, de faire couler pas mal d’encre.

Christophe Chauville

Filmographie courts métrages de Michel Ocelot
Les 3 inventeurs (1979, 13 min)
Les filles de l’égalité (1981, 1 min)
La légende du pauvre bossu (1982, 8 min)
Beyond Oil (1982, 20 min)
La princesse insensible (1983-84, 4 min)
Les 4 vœux (1987, 6 min)
La princesse des diamants (1989, 9 min)
Icare (1989, 6 min)
Le manteau de la vieille dame (1989, 10 min)
La belle fille et le sorcier (1992, 4 min)
Bergère qui danse (1992, 9 min)
Le prince des joyaux (1992, 13 min)
L’invité aux noces (2008, 13 min)