DVD 04/11/2020

Wet Season, un nouveau chef-d’œuvre pour Anthony Chen

Plus de sorties en salles mais des films en DVD ou en sVOD à rattraper, comme l’intense Wet Season, signé du lauréat de la Caméra d’or 2013.

On n’avait pas eu de nouvelles d’Anthony Chen depuis un petit moment, la Caméra d’or attribuée à son premier long métrage, Ilo Ilo, datant déjà de 2013 (c’est d’ailleurs Agnès Varda qui la lui avait alors remise). Son retour avec Wet Season, vu au TIFF à Toronto en 2019 et sorti dans les salles françaises au mois de février dernier, quelques semaines avant le premier confinement, montre à quel point le réalisateur originaire de Singapour, qui avait été remarqué au préalable au gré de plusieurs courts métrages dont Ah ma, distingué d’une mention spéciale du jury des courts au Festival de Cannes 2007, et Haze, présenté à la Berlinale l’année suivante), n’a rien perdu de sa – riche – personnalité artistique.

Le cadre, tant urbain et météorologique, est ce qui frappe le plus, d’emblée, puisque le récit s’enracine en pleine période de mousson, sous des averses incessantes et une atmosphère poisseuse. On sent que la moiteur colle les vêtements et les pensées tout à la fois. C’est dans ce terreau que grandit une relation inattendue entre une enseignante, délaissée par son mari alors qu’elle tente désespérément d’avoir un enfant, et l’un de ses étudiants, acharné au travail et dont le caractère tranche avec ses crétins de congénères. Précisons qu’on est loin des schémas d’un Mourir d’aimer, d’André Cayatte avec Annie Girardot (1971), tant le trouble ressenti par la presque quadragénaire, Ling, est amplifié par sa situation personnelle – elle découvre que son mari la trompe et mène une double vie, en réalité, d’où sa distance toujours plus affirmée – et lorsque le lycéen entreprend de concrétiser une relation physique avec elle, elle se défend et ne baisse les armes que devant son insistance, ce qui instille l’idée d’un viol larvé, complexifiant dès lors le lien entre les deux personnages, jusqu’à un dénouement simple et émouvant. 

Il est aussi troublant de savoir que ce tandem trouve incarnation dans les mêmes interprètes que dans Ilo Ilo, Yeo Yann Yann et Koh Jia Ler, qui jouaient alors une mère et son fils – le gamin du premier film ayant grandi entretemps. Ce n’est pas la seule audace, mine de rien, d’un film qui aborde tout aussi finement la question du rapport à la Chine – et à la langue, le mandarin – dans un contexte géopolitique régional dominé par l’ombre écrasante de la nation-colosse. Wet Season, qui a également gagné un prix à Belfort l’année dernière (le Prix Ciné+, précisément), est un grand film passé un peu trop inaperçu, il faut bien dire, et qui est donc à découvrir d’urgence en ce contexte d’absence totale de nouveautés en salles.

Christophe Chauville

Wet Season d’Anthony Chen, DVD, Épicentre Films, 19,90 euros.
Disponible depuis le 22 septembre 2020.

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