Walerian Borowczyk au Centre Pompidou
Le Centre Pompidou met Walerian Borowczyk à l’honneur à travers une rétrospective qui se tient du 24 février au 19 mars 2017. Ce n’est que justice. Et un coffret DVD, chez Carlotta, explore aussi cette œuvre trop méconnue.
Le parcours du cinéaste polonais, Walerian Borowczyk, disparu en 2006, a connu plusieurs périodes que cette rétrospective permet de revisiter, en y séparant le bon grain de l’ivraie.
La dernière partie de sa production, la plus étendue, s’est déroulée sous le signe de l’érotisme. Si le Centre Pompidou n’a pas cru bon de présenter dans son enceinte, Emmanuelle 5 (1987) pas plus que L’art d’aimer (1983), on peut donc imaginer que c’est à bon escient qu’ils ont retenu, entre autres, Intérieur d’un couvent (1978), qu’Alberto Moravia aurait comparé à Boccace, et son ultime opus, Cérémonie d’amour (1988), que Pascal Vimenet décrit comme « la pièce ultime d’un puzzle complexe, peut-être inachevé. »
Cette veine érotique a commencé par des couts métrages, avec le fameux film à sketches, Contes immoraux (1974). Personne n’a, en particulier, oublié cette adaptation d’une nouvelle d’André Pieyre de Mandiargues, La marée, où le jeune Fabrice Lucchini interprétait un jeune homme initiant sa cousine, sur une grève de Normandie, à l’art de la fellation au rythme du flux et du reflux des vagues, pas plus que, dans sa seule apparition à l’écran, Paloma Picasso dans le rôle de la comtesse Erzsébeth Bathory, écumant ses campagnes pour ramener des jeunes femmes dans son châteauet les livrer à des bacchanales sanglantes.
Mais cet intérêt pour Eros s’était déjà manifesté dans le court métrage Une collection particulière (1973) où l’on suit des mains expertes nous faire découvrir une collection d’objets érotiques commentée par André Pieyre de Mandiargues. Il convient de souligner, dans le déploiement de cette œuvre, le rôle du producteur Anatole Dauman (Argos) – on lui doit L’empire des sens de Nagisa Oshima (1976).
Né en Pologne en 1923, Borowczyk peignait, fut affichiste et signa des courts métrages d’animation avec son compatriote Jan Lenica, dont Dom (1958) qui leur donne une renommé internationale ; le film alterne des gros plans d’une jeune femme (la troublante Ligia Branice, muse et compagne du cinéaste) et des scénettes (les rêverie de la femme?) d’inspirations et d’emprunts divers à différentes ressources de l’art image par image.
En France on lui doit, par exemple, Les astronautes (avec Chris Maker, 1959), collage ébouriffant et détonant, ou Les jeux des anges (1964), un des sommets de l’at du court métrage.
Courts et moyens métrages de Borowczyk seront également de la partie au Centre Pompidou à partir du 24 février, projections agrémentées de présentations et de débats divers. On trouve le détail de cette manifestation ici.
Mais comme tout le monde ne peut se rendre à Paris pour se ruer à cette rétrospective et qu’un bonheur n’arrive jamais seul, Carlotta a l’heureuse idée de publier un de ces coffrets DVD collector qui ravissent les amateurs. Il contient seize courts et sept longs métrages de Borowczyk, dont le rare et mythique Blanche (1971), pour la première fois édité en France – le film ressort en salle à partir du 8 mars – et une foultitude de compléments, entretiens, commentaires et scènes de tournages.
Le coffret inclut aussi deux ouvrages, respectivement écrit (Le dico de Boro) et coordonné (Camera obscura) par Daniel Bird et Michael Brooke, qui constituent une excellente initiation à cette œuvre trop méconnue saluée en son temps dans les Cahiers du cinéma sous la plume de Patrice Leconte – il fut ensuite assistant sur Blanche – et un entretien passionnant mené par Jacques Rivette en 1969, autant d’articles repris dans cet ensemble.
On se souvient – ou pas – que, dans sa version initiale, Contes immoraux, auréolé dans cette composition du Prix de l’Âge d’or 1974, comprenait un sketch, La bête, partie soustraite lors de l’exploitation du film en salles, puis recyclée et diluée dans le long métrage éponyme (1975). Cette édition collector propose, en supplément, cette première mouture du film à sketches avec la version, intégrale et dans sa continuité, de cet épisode où une comtesse, d’abord effarouchée et effeuillée, au rythme d’un air de Scarlatti au clavecin, consume de ses ardeurs insatiables la pauvre bête du Gévaudan qui n’en peut mais.
Jacques Kermabon
Walerian Borowczyk, Coffret collector, Carlotta, 2017, 69,99 euros.
En unitaire : Contes immoraux et La bête, 19,99 euros chaque.
Le coffret collector contient, restaurés en 2K, Goto, l'île d'amour (1968), Blanche (1971), Contes immoraux (1974), Histoire d'un péché (1975), La bête (1975), Docteur Jekyll et les femmes (1981) Le théâtre de Monsieur & Madame Kabal (1967), ainsi que les courts métrages Les astronautes (1959), Le concert (1962), L’encyclopédie de grand-maman (1963), Renaissance (1963), Les jeux des anges (1964), Le dictionnaire de Joachim (1965), Rosalie (1966), Gavotte (1967), Diptyque (1967), Le phonographe (1969), L’amour monstre de tous les temps (1978) et Scherzo infernal (1984).
Les deux livres : Camera Obscura (articles sur les films, deux entretiens avec Borowczyk (216 pages) ; Le dico de Boro, un abécédaire pour s’initier au cinéma de Boro (92 pages).
Et parmi les nombreux suppléments : Un film n'est pas une saucisse (Borowczyk et le court métrage, interviews du réalisateur, de Dominique Duvergé-Ségrétin et André Heinrich, 27 min) ; L'univers concentrationnaire (tournage de Goto, l'île d'amour : comédiens et techniciens racontent le tournage, 20 min) ; Ballade de la captive : tournage de Blanche (récits du tournage par Patrice Leconte, Noël Véry, André Heinrich, Dominique Duvergé-Ségrétin, 27 min) ; Une collection particulière (collection d'objets artisanaux érotique, en deux versions, 1973 – 12 min/14 min) ; Phantasmagorie de l'intérieur (essai vidéo à partir du tableau de Vermeer présent dans Jekyll, 14 min) ; Les yeux qui écoutent (aperçu des collaborations entre Borowczyk et les compositeurs d'avant-garde, par Bernard Parmegiani, compositeur de musique concrète et électro-acoustique, 10 min).
Les astronautes
Les jeux des anges
Goto, l'île d'amour
Blanche
Contes immoraux