Keren Ben Rafael en court et en long

Passé entre les gouttes des confinements et fermetures des salles l’an dernier, À cœur battant avait pu parvenir jusqu’aux cinémas à la fin du mois de septembre, mais sans avoir sans doute le retentissement qu’il aurait mérité. Deuxième long métrage de Keren Ben Rafael après Vierges (2018), il n’a d’ailleurs pas obtenu la moindre nomination aux prochains César et on aurait au moins pu l’espérer en ce qui touche à la réalisation, au scénario et aux performances de son duo de comédiens, notamment Judith Chemla, une nouvelle fois éblouissante.

La rigueur de la mise en scène comme celle du scénario, tient au pari même du dispositif proposé : un couple qui vient d’avoir un enfant est séparé par la force des choses, Julie restant à Paris avec son fils, tandis que Yuval (interprété par Arieh Worthalter, à nouveau impeccable) s’installe à Tel Aviv, d’où il est originaire. Les deux communiquent désormais par écrans interposés, ce qui prend une résonance particulière à l’ère du Covid-19, avec une altération évidemment rapide des rapports amoureux à distance et la limite vite atteinte du média digital d’un bout à l’autre de la Méditerranée.

L’atout majeur de l’approche de Keren Ben Rafael et de sa fidèle coscénariste Élise Benroubi est d’exploiter au mieux les potentialités dramatiques du parti pris de narration, menant un travail assez poussé sur le champ et du hors champ, avec même parfois un certains suspense, comme dans une scène – efficace et glaçante – où le bébé se retrouve tout seul, vulnérable, aux yeux de son père impuissant. Tenir ainsi sur le fil pendant une heure et demi était une gageure, nettement relevée, ce qui n’étonne gère de la part d’une cinéaste s’étant déjà coltinée à des contraintes formelles lors de son passage dans le format court.

Ainsi, La plage (2015, photo ci-dessus), proposé ici parmi les suppléments au film (avec des entretiens avec la réalisatrices et l’équipe du film), était tourné en plan-séquence, sur une durée respectable de presque vingt minutes, au bord de la mer et en faisant intervenir une foule de personnages vaquant à ses occupations et obsédés par leur nombril, au point d’ignorer un drame se produisant à quelques mètres de là. Une certaine drôlerie y pointait toutefois, comme dans À cœur battant, qui concilie incontestablement différents registres d’émotions.

À cœur battant de Keren Ben Rafael, DVD, Condor Entertainment, 19,99 euros.
Disponible depuis le 9 février 2021.

À lire aussi :

- Judith Chemla, à retrouver également dans Hédi & Sarah, de Yoann Manca, dans le cadre de la Fête du court métrage 2021.

- Des courts métrages de Keren Ben Rafael disponibles chez L’Harmattan Vidéo.