DVD 29/04/2021

À la découverte du jeune cinéma arménien

En deux volumes parus début avril, la toujours pointue société La Huit met en lumière deux fortes personnalités de réalisatrices brossant avec leurs films un tableau de l’Arménie d’aujourd’hui.

Les cinémas des nations issues de la dislocation de l’Union soviétique nous demeurent toujours en grande partie méconnus, même avec la multiplication des modes de diffusion et des festivals, mais certaines initiatives de programmation ou d’édition permettent heureusement de rattraper un peu cette ignorance persistante. Ainsi, La Huit propose de découvrir la nouvelle vague du cinéma arménien, l’un des plus créatifs de ce coin du globe, à travers deux focus – et deux DVD complémentaires – dédiés à des cinéastes éminemment dignes d’intérêt : Tamara Stepanyan et Silva Khnkanosiann. 

Peu de court métrage stricto sensu dans la somme filmique retenue au final, certes, sinon un moyen métrage de la première citée, à savoir 19 février, en traduction française, qui date de 2011. Présentée au Festival du film de Dubaï en son temps, cette fiction ferroviaire quasiment dénuée de dialogues – on doit entendre une phrase, au maximum deux – et volontiers métaphorique où un homme et une femme montés dans un train de nuit reliant la capitale du pays, Erevan, à Tbilissi (en Georgie), dans des cabines voisines. Séparés d’une cloison, se rejoindront-ils, dans leurs désirs et aspirations personnelles ?

Les choix esthétiques sont forts, le rythme du film envoûte peu à peu, calé sur une bande-son naturellement soignée, et la réalisatrice ainsi révélée enchaînait avec un documentaire d’une heure quinze, Braises (2012, photo ci-dessus). Une œuvre mémorielle axée autour de la figure de la grand-mère disparue de la réalisatrice, évoquée par son groupe d’amis proches, et de l’histoire de l’Arménie dans sa période soviétique, puis post-indépendance, au-delà des idées reçues (ainsi, certains de ces seniors regrettent finalement la période communiste, et même sous les excès du régime stalinien). Émouvant et instructif à la fois…

Deux autres longs métrages documentaires, plus récents, complètent ce double DVD (comprenant aussi un livret) : Ceux du rivages (2016, Grand prix au Festival d’Amiens) et Village de femmes (2019, photo ci-dessus), ce dernier – qui entraîne dans un monde sans hommes, à travers un bourg où ne restent que femmes et enfants durant les trois quarts de l’année – ayant été notamment récompensé dans le cadre des Étoiles de la Scam en 2020.

D’autres femmes sont au centre de Nothing to Be Afraid of, de Silva Khnkanosiann (photo de bandeau), qui figure sur le second DVD du diptyque (chacun des deux volumes étant vendu en unitaire). Celles-ci exercent une activité plutôt inattendue, puisqu’elles sont… démineuses. Loin du film de 2009 de Kathryn Bigelow, qui envisageait au masculin et dans un contexte militaire ce métier à l’importance cruciale en zone de guerre, ce documentaire d’une heure et une dizaine de minutes faire le choix d’une sobriété assumée, filmant l’action de façon rapprochée et méticuleuse, au fil de longs plans. Plusieurs séquences font néanmoins entrer dans l’intimité de ces téméraires animées par la volonté d’assainir le sol de leur terre natale, dans le contexte des conflits récurrents avec l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh. Des femmes d’exception qui méritent amplement un tel hommage, en attendant la suite de la carrière de l’auteure de ce film pour l’heure unique à tous les points de vue.

Christophe Chauville

 

“Jeune cinéma arménien, volumes 1 et 2”, 2 DVD, La Huit Production, 25 et 15 euros.
Disponibles depuis le 7 avril 2021.

À lire aussi :

- Une autre édition DVD récente de La Huit : “Pays rêvés / Maisons hantées” de Jihane Chouaib.