Cahier critique 03/07/2019

“Zéro” de Tony T. Datis

On ne passe pas de zéro à super-héros en un instant...

Il y a finalement assez peu de fictions directement destinées au jeune public à l’intérieur de la production française globale (au contraire, naturellement, de tout un pan de l’animation). Réalisateur de clips en vue au tournant des années 2010, Tony T. Datis s’y est employé avec humour et joue de la fascination exercée par les super-héros sur les pré-adolescents, vers cet âge de dix à douze ans, lorsqu’on commence à comprendre que le quotidien est souvent morne, rasoir même, et qu’avoir des pouvoirs supra ordinaires serait tout de même sacrément dément… C’est le cas pour le jeune protagoniste de Zéro, que l’on jugerait sorti d’une publicité pour un fromage fondu en portions, avec ses taches de rousseur, son embonpoint naissant et ses dents du bonheur. Pas le physique de l’idole de la classe, clairement… Mais le gamin, traînant dans un jardin public anonyme de banlieue, survolé par les pigeons, les pies ou les corbeaux, s’échine à prouver mordicus à l’un de ses camarades qu’il est doué de facultés surnaturelles, dusse-t-il se motiver d’une dose de ventoline…

L’écriture de ces dix minutes lorgne vite vers le terrain du burlesque, ouvert par une distance entre ce qui est annoncé et les piteuses prouesses réalisées : le petit rondouillard se mange ainsi un mur de plein fouet et on en a mal pour lui, même s’il est impossible de ne pas lâcher un sourire… La précision de la mise en scène s’appuie sur un montage des plus tonique, ce qui permet à chaque surprise couvée par l’écriture de tomber à point nommé, le film jouant d’abord sur la truculence de ses deux kids survoltés – le zozotement de l’aspirant super héros le rend immédiatement assez attendrissant, comme une sorte de version contemporaine du Petit-Gibus de La guerre des boutons.

Le recours aux effets spéciaux n’est lui non plus pas fréquent dans la production courte et leur incursion – plutôt inattendue au bout du compte – se révèle ici plutôt probant – il faut même attendre, à ce titre, un insert post-générique de fin, certes posé en clin d’œil peu cohérent. Mais on n’a jamais été sur le terrain de la vraisemblance naturaliste, l’image léchée et les cadres volontaristes citant un cinéma en particulier, fantasmagorique plus que fantastique. Le cinéma des mondes sans adultes, où l’imaginaire garde son droit de cité et où subsistent certains possibles.

Christophe Chauville

Réalisation et scénario: Tony T. Datis. Image : Sylvain Sechet. Montage : Anthony Célérier. Son : Arnaud Marten,
Marco Casanova et Matthieu Autin. Musique originale : Etienne Forget. Interprétation : Roy Sfez et Emir Seghir. 
Production : Buffalo Corp, Hossenny Production et Section 9.