Cahier critique 17/02/2017

"Yùl et le serpent" de Gabriel Harel

Des petits voyous de campagne et un serpent pour une animation en noir et blanc, ou presque.

Un scooter grimpe au flanc d’une colline ventée. Au sommet, Dino et son petit frère Yùl sont attendus par Mike, un receleur à qui ils apportent un sac volé à la tire. Exclu de la transaction par Mike, Yùl fait alors la rencontre d'un étrange serpent. Ils s’allieront pour combattre la brutalité crasse du receleur.

Gabriel Harel délimite l’action de son film d’animation au seul périmètre géographique de cette colline aride, éloignée de la ville et des gens. Il impose à ses personnages des rapports de force basiques et violents. Mais du haut de son rôle de dominant, Mike accepte mal la complicité des deux frères et le manque d’autorité, à ses yeux, de Dino sur Yùl.

Le serpent aux anneaux verts et orangés n’est pas un inconnu ; il apparaît pour la première fois dans un film d’études de Gabriel Harel à la Poudrière, Les jambes du serpent. Dans ce film très court, le réalisateur explore déjà le potentiel symbolique et physique de l’animal. Yùl et le serpent lui permet de développer certaines de ces pistes. Graphiquement proche du style de Joann Sfar, le film évolue au gré d’une palette de gris, de laquelle le serpent coloré se détache, comme irradié d'une lumière divine. Le décor de western est parsemé de grands Chats, ces immenses pylônes électriques qui rappellent le passage de l’homme et de la civilisation, mais qui contribuent, par leur nom et leur silhouette, à l’ambiance animale de la scène. Mike et son molosse, affublé du doux nom de Tyson pour parfaire la symbiose homme/animal et adresser un clin d’œil à un boxeur humaniste, sont sur leur territoire et en position de force.

Lorsque Yùl et le serpent subissent à tour de rôle la pire humiliation – un bain d’urine chacun –, le réalisateur fait basculer l’action dans une phase onirique, magique et envoûtante, où le jeune garçon et le serpent vont unir leur haine contre le duo Mike-Tyson. Un épisode initiatique pour Yùl qui emprunte à cette occasion la force de vie et l’énergie primale au serpent. Il est devenu l’animal qui se régénère, qui mue sans cesse et aspire à la sagesse, voire la jeunesse éternelle. Un superhéros français sans costume en somme, cousin animé du récent Vincent n’a pas d’écailles de Thomas Salvador. Yùl et le serpent est un film ensorcelant, où la perfection du détail va jusqu’à la parfaite interprétation.

Fabrice Marquat

Article paru dans Bref n°117, 2015.

Réalisation, scénario et décors : Gabriel Harel. Montage : Nicolas Desmaison. Musique : Freddy Leclerc. Animation : Susanne Seidel, Guillaume Lorin et Lucrèce Andreae. Son : Claire Cahu, Mathieu Descamps et Matthieu Deniau. Interprétation : Didier Michon, Théo Bertrand et David Ribeiro. Production : Kazak Productions.