Cahier critique 22/06/2018

"Un été viril" de Laurent Lunetta

La vengeance est un plat qui se mange… chaud !

Nouveau venu en fiction, mais armé de son bagage en réalisation documentaire pour la télé, en assistanat, production et scénario, Laurent Lunetta retrouve son Sud-ouest biographique pour ce premier court métrage au titre à double sens. Une histoire de corps. De corps qui bronzent, jouent, matent, s’exhibent, cognent, blessent et tentent l’apaisement. Le film s’ouvre sur Loris, ado de quinze ans qui se fait griller au soleil, avec son pote Thomas, avant d’aller jouer au foot. L’aventure se clôt sur ce même Loris, dans une chaise longue, à côté de son entraîneur, dans le jardin de celui-ci. Entre les deux scènes, vingt minutes de tension progressive, de la chronique adolescente au suspense, en passant par le récit d’apprentissage, à la belle lumière estivale landaise, saisie avec frontalité par le chef-op’ Raphaël Vandenbussche.

Le réalisateur sait capter le mélange d’audace et de mutisme de l’âge dit ingrat. L’aplomb d’y aller, physiquement, verbalement, énergiquement, quand les pulsions y mènent. L’empêchement de formuler sa pensée, quand le trouble profond déstabilise. C’est que ce que traverse le protagoniste, quand il fait face au visible désir pour lui de son coach quadragénaire. La mise en scène au plus près de la peau, du nerf, de chaque enjeu, sert son propos et le trajet tant spatial qu’intérieur de son héros. Tout comme la complémentarité des lieux, simples, peu nombreux et emblématiques, telle une tragédie au soleil cuisant. Terrain de foot, vestiaires, plage, maison du coach. Dans ce circuit balisé, arbres et cigales révèlent la menace qui plane, et les dialogues sont élagués à l’os, transposant le danger dans les actes et les mouvements physiques.

Lunetta a la bonne idée de ne pas juger ses personnages, leurs motivations, et de laisser assumer à Loris les contradictions de ses réactions, de la violence à l’accalmie, face à la révélation forcée par un tiers. Le désir interdit est sublimé par la mise en abyme des objectifs : œil du smartphone devant celui de la caméra, dessins éparpillés dans la chambre noire (camera obscura) du coach. Un jeu de regards qui intensifie la ligne narrative et qui prend du relief avec les trois êtres dont la figure triangulaire renvoie les tensions en ping-pong. Dans le rôle du copain nerveux, la révélation de L’atelier de Laurent Cantet, Matthieu Lucci, livre une nouvelle composition sur le fil. En entraîneur austère et ambigu, l’acteur-réalisateur Samuel Theis (Party Girl) livre une épaisseur en mutation, au moment où il brille à la télévision, de comédie en fresque humaine (Dix pour cent Fiertés de Philippe Faucon). Enfin, dans le rôle casse-gueule du pivot dramatique, le jeune Simon Boutin sort son épingle du jeu, par son alliance de candeur enfantine et d’assomption plus mature. C’est par lui que le film respire.

Olivier Pélisson

Réalisation et scénario : Laurent Lunetta. Image : Raphaël Vandenbussche. Montage : Aël Dallier-Vega. Son : Anne Dupouy, Pablo Chazel et Niels Barletta. Décors : Victor Melchy. Interprétation : Simon Boutin, Mathieu Lucci, Samuel Theis, Karl Guilly et Quentin Valois. Production : Les Films du Bal.