Cahier critique 21/08/2018

“Tremblay-en-France” de Vincent Vizioz

Un “walk-movie” le long du canal de l’Ourcq, récompensé par le Grand Prix du Festival de Clermont-Ferrand 2011.

Vincent Vizioz s’était distingué en 2006 avec Rocaille, avant de réaliser pour la Collection de Canal+ La pomme de Newton (2008), qui mettait en scène le chanteur Mathieu Boogaerts réfugié dans un grand arbre. D’une ligne de regard verticale, il passe avec Tremblay-en-France à celle d’un déplacement horizontal, entraînant son personnage principal dans une errance nocturne qui se révèle vite fascinante.

Un jeune Écossais, James, vient de débarquer à Paris. Baladant sa “cool attitude”, le bonnet vissé sur les cheveux longs, il est à la recherche d’une certaine Claire, qui n’habite plus à l’adresse où il espérait la retrouver. Elle a déménagé en banlieue et, l’heure du dernier RER étant dépassée, James doit se résoudre à rejoindre à pied la lointaine localité de Tremblay-en-France, sans la moindre idée de la distance qu’il lui faudra parcourir. C’est donc d’abord une atmosphère que plante Vincent Vizioz en suivant l’obstiné marcheur le long du canal de l’Ourcq, jusqu’après le lever du jour. Un filmage aux éclairages naturels, jouant de la géographie suburbaine, plonge parfois le personnage dans une semi-obscurité, rendant son odyssée volontiers inquiétante (s’agirait-il de “trembler en France” ?), surtout lorsqu’il croise différents noctambules, sinon de simples ombres aux abords d’un chantier ou d’un campement de fortune.

Ce n’est pas une promenade de santé, mais bien une quête personnelle que mène James, alors qu’il se trouve quasiment dans l’état de Bill Murray dans le film de Sofia Coppola Lost in Translation. Ne comprenant pas ce qu’on lui dit, il avance au hasard, avec comme seule boussole la conviction intime que le début elliptique du film laisse entrevoir : il aura cru trouver l’amour en la personne de Claire, jeune hôtesse de l’air sans doute croisée lors d’une escale à Glasgow. Une projection fictionnelle intime fait donc avancer le héros, ce qui participe à lui donner une aura poétique, et même romantique. Un Écossais n’est d’ordinaire pas facile à faire bouger de sa terre natale, c’est donc pratiquement l’amour courtois qui a lancé celui-là sur les traces d’une belle ayant pour sa part joué littéralement les filles de l’air. On ne déflorera pas ici le dénouement, mais qu’importe finalement que l’histoire se termine en happy end ou pas : la beauté du geste aura suffi à susciter de l’empathie envers le personnage.

Christophe Chauville

Article paru dans Bref n96 (2011).

Réalisation : Vincent Vizioz. Scénario : Vincent Vizioz, Marianne Tardieu et Johann Visentini. Image : Benjamin Chartier. Montage : Marie-Pierre Frappier. Musique : Jansen Tertsie. Son : Antoine Corbin et Mikaël Barre. Interprétation : Jamie Sives et Marie Denarnaud. Production : 4A4 Productions.